Deux chercheuses de l’IPAG impliquées dans le projet (fou) du télescope spatial James Webb

Miroir primaire du télescope James Webb © NASA/C. Gunn

Décollage réussi pour le télescope spatial James-Webb (ou JWST), le dernier fleuron ultra-moderne de l’observation spatiale développé par la NASA, conjointement avec l’ESA et l’Agence Spatiale Canadienne. Lucie Leboulleux et Romane Le Gal, toutes deux chercheuses à l’IPAG (l’un des laboratoires de la fédération OSUG), ont travaillé sur ce projet fou qui permettra, entre autre, de remonter le temps ...

Après plus de 30 ans de développement, le télescope spatial dernière génération James Webb a pris son envol le 25 décembre dernier depuis la base de Kourou, en Guyane Française, sur un vol Ariane. Il se dirigera vers le point de Lagrange 2 (L2), situé à 1,5 millions de km de la Terre dans la continuité de l’axe Soleil-Terre. C’est un endroit privilégié qui permettra au James Webb d’observer le cosmos à l’abri du rayonnement du Soleil, de la Terre et de la Lune grâce à un gigantesque bouclier thermique de la taille d’un terrain de tennis. Ce bouclier a été conçu pour protéger les instruments et le miroir du télescope, lui permettant ainsi de réaliser des observations inédites dans des conditions optimales, à environ -233°C. En effet, les 4 instruments du JWST observeront dans l’infrarouge proche à moyen, et seront donc sensibles à toute émission thermique.

Remonter le temps... et bien plus encore

Remonter le temps grâce à un télescope ? Et oui, c’est possible... Grâce aux observations infrarouge et à l’expansion de l’Univers, le télescope aura accès à une fenêtre temporelle encore jamais explorée : les premières lueurs de l’Univers et la lumière émise par les premières galaxies. Une chance unique de mieux comprendre nos origines, la naissance et l’évolution des galaxies.
Mais ce n’est pas tout, le JWST aura également pour mission de détecter et de caractériser l’atmosphère de nouvelles exoplanètes, d’étudier la genèse des systèmes exo-planétaires en observant la naissance des étoiles et de leur cortège de planètes.
Étudier de tels systèmes est fondamental pour mieux comprendre non seulement l’origine de notre système solaire, la diversité des systèmes exo-planétaires mais aussi la potentielle universalité de systèmes planétaires semblables au notre pour, peut–être un jour, pouvoir apporter des éléments de réponse à la grande question : "Sommes-nous seuls dans l’Univers ?".

Pourquoi envoyer un télescope dans l’espace ?

En déviant les rayons lumineux, l’atmosphère Terrestre perturbe la qualité des images reçues par les télescopes terrestres, on appelle cela la « turbulence atmosphérique ». En ce qui concerne plus spécifiquement les observations dans le domaine de l’infrarouge, les émissions de la Terre dans cette longueur d’onde pourraient également perturber les instruments. C’est pour palier à ces problèmes que le télescope James Webb est envoyé dans l’espace.

Le plus grand télescope spatial jamais créé

JWST observera dans le domaine de l’infrarouge, une longueur d’onde qui a l’avantage de passer au travers (et donc rendre « transparents ») les pouponnières d’étoiles, à savoir les nuages de gaz et de poussières où naissent les étoiles. Au sommet de l’état de l’art mondial il dispose d’une très grande résolution spectrale procurée par un immense miroir de plus de 6 mètres, segmenté en 18 miroirs hexagonaux dorés, afin de mieux réfléchir la lumière infrarouge, et donc de regarder plus loin dans le temps. C’est le plus grand télescope jamais envoyé dans l’espace. Il vient d’ailleurs en complément du télescope spatial Hubble, qui observe également l’Univers depuis 1990 dans le domaine ultra-violet et visible, et dont le miroir est 3 fois plus petit que celui du JWST.

Une mission à haut potentiel... et à haut risque

Contrairement à Hubble, situé en orbite terrestre basse (570 km de la Terre), et donc à « portée de main » pour effectuer des réparations, le JWST sera situé en orbite au point L2, c’est à dire à 1,5 millions de kilomètres de la Terre... rendant impossible toute intervention humaine ! Durant son voyage de la Terre jusqu’au point L2, le télescope a déjà déployé ses panneaux solaires, son pare soleil, sa plate-forme et ses deux miroirs... ces opérations estimées à haut risque par la NASA, qui avait identifié pas moins de 300 points de tensions pouvant compromettre la viabilité de la mission dont 80% en lien avec le déploiement, se sont déroulées avec succès ! Une fois le satellite opérationnel et après la phase de mise en service et de test d’une durée d’environ 6 mois, le télescope sera ouvert à l’exploitation scientifique.

Deux chercheuses de l’IPAG particulièrement impliquées dans ce projet

Romane Le Gal, astronome adjointe à l’OSUG, rattachée à l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble, participe à 3 programmes d’observation qui seront parmi les premiers à être menés :

  • 6 mois après le lancement : la préparation et l’exploitation scientifique des premières observations qui viseront la nébuleuse d’Orion
  • Courant 2023 : l’exploitation scientifique de l’observation d’une série de disques proto-planétaires (des disques de gaz et de poussières entourant les jeunes étoiles encore en formation) qui ont déjà été sondés et cartographiés dans des longueurs d’ondes complémentaires grâce au radio-interféromètre ALMA
  • La caractérisation potentielle de planètes en formation dans certains de ces disques proto-planétaires

Lucie Leboulleux, actuellement chercheuse post-doctorante à l’IPAG, a réalisé une partie de son doctorat au Space Telescope Science Institute (STScI). Elle a notamment travaillé sur une expérience optique reproduisant le JWST afin de tester des méthodes d’alignement des petits miroirs hexagonaux qui formeront, après leur déploiement, un grand miroir segmenté de plus de 6 mètres de diamètre.


Contact scientifique local

 Romane Le Gal, astronome adjointe à l’OSUG, rattachée à l’IPAG