Les prédictions de la relativité générale confirmées près du trou noir super-massif au centre de la Galaxie

Au centre de l’image : Sagittarius A* et son amas d’étoiles
© Observatoire de Paris / LESIA
Des observations conduites avec le Very Large Telescope de l’ESO par une équipe internationale dirigée par l’Institut Max Planck pour la Physique Extraterrestre (MPE) ont pour la première fois mis en évidence les effets de la relativité générale d’Einstein sur le mouvement d’une étoile passant dans l’intense champ gravitationnel du trou noir super-massif au centre de la Voie Lactée, Sagittarius A*.

L’équipe est bâtie autour du consortium de l’instrument GRAVITY qui comprend deux laboratoires français, le LESIA et l’IPAG. Ce résultat, issu d’une quête de longue haleine, représente le point d’orgue d’une campagne de 26 années d’observations utilisant les télescopes de l’ESO au Chili.

Sagittarius A* est situé à 26 000 années-lumière de la Terre. D’une masse de quatre millions de fois celle du Soleil, il est entouré d’un amas d’étoiles – les étoiles S – qui atteignent des vitesses vertigineuses lorsqu’elles passent au plus près du trou noir. Ces étoiles en mouvement dans le champ gravitationnel le plus intense de la Galaxie , constituent un laboratoire idéal pour tester la théorie de la relativité générale d’Einstein dans ces conditions de champ fort et la théorie du trou noir.

Les instruments du VLT NACO, SINFONI, et plus récemment GRAVITY, ont permis aux astronomes de suivre l’étoile S2 avant et après son passage au plus près du trou noir, le 19 mai 2018 (Figure 1).

Figure 1
L’étoile S2 au centre galactique vue par l’instrument d’optique adaptative NACO, l’instrument interférométrique GRAVITY et le spectrographe SINFONI. La résolution plus importante de GRAVITY permet de séparer S2 de Sgr A* sur les images et d’atteindre une meilleure précision astrométrique. La vitesse de S2 est mesurée à partir du décalage Doppler des raies de l’Hélium vues par SINFONI.

La vitesse orbitale de l’étoile a alors atteint 8000 km/s, soit 2,5% de la vitesse de la lumière, lorsque S2 est passée à seulement 120 fois la distance Terre-Soleil de l’objet central. Ces conditions sont suffisamment extrêmes pour que l’étoile S2 subisse d’importants effets relativistes.

Les nouvelles mesures extrêmement précises de position de S2 permises par GRAVITY, combinées aux mesures de vitesse du spectromètre SINFONI et aux mesures plus anciennes de NACO (Figure 2),

Figure 2
Mesures astrométriques et de vitesse radiale de l’orbite de l’étoile S2 autour de Sgr A*. Le pic de vitesse radiale en 2018 correspond au passage au péricentre du 19 mai. Le zoom de l’orbite près de Sgr A* montre la précision des données GRAVITY et le suivi quasi-quotidien de l’étoile pendant les périodes d’observation

ont mis en évidence ces effets relativistes, en particulier l’effet de rougissement gravitationnel prédit par la théorie d’Einstein (Figure 3). C’est la première fois que cet effet est mesuré dans le champ gravitationnel d’un trou noir. Pour ce faire, la précision astrométrique atteinte par GRAVITY a été de 50 micro-secondes d’angle, soit l’angle sous lequel une balle de tennis posée sur la Lune serait vue depuis la Terre. Avec cette précision, le mouvement de l’étoile S2 sur son orbite est détecté d’un jour sur l’autre voire toutes les heures au plus près du trou noir. Ces résultats sont en parfait accord avec la théorie de la relativité générale et ne peuvent être expliqués par la théorie classique de Newton (Figure 3).

Figure 3
Comparaison des données de vitesse radiale (haut) et astrométriques (milieu et bas) avec le modèle relativiste (courbe rouge) et le modèle classique newtonien (courbe grise). La courbe noire inclut l’avancée au péricentre qui sera détectable dans quelques mois.

Il s’agit d’une étape importante pour le test de la relativité générale en champ fort et pour le test de la théorie des trous noirs. Les mesures de GRAVITY seront également confrontées dans quelques mois à la prédiction relativiste de l’avancée de l’orbite au péricentre, en attendant d’autres tests encore plus près du trou noir.

Ces résultats sont publiés par la Collaboration GRAVITY dans une lettre intitulée « Detection of the Gravitational Redshift in the Orbit of the Star S2 near the Galactic Centre Massive Black Hole » à paraître dans la revue européenne Astronomy & Astrophysics le 26 juillet.

GRAVITY est un instrument de deuxième génération de l’interféromètre du VLT développé en collaboration entre l’Institut Max Planck pour la Physique Extraterrestre (MPE, Garching, Allemagne) le Laboratoire d’Étude Spatiale et d’instrumentation en Astrophysique (LESIA, Observatoire de de Paris / CNRS / Sorbonne Université / Université Paris Diderot), l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble (IPAG, Université Grenoble Alpes / CNRS), l’Institut Max Planck pour l’Astronomie (MPIA, Heidelberg, Allemagne), l’Université de Cologne (Allemagne), le Centre d’Astrophysique et de Gravitation (CENTRA, Lisbonne et Porto, Portugal), et l’Observatoire Austral Européen (ESO, Garching, Allemagne).

Contacts :
Guy Perrin
LESIA (Observatoire de Paris, CNRS, Sorbonne Université, Université Paris-Diderot)
guy.perrin obspm.fr

Karine Perraut
IPAG (Université Grenoble-Alpes, CNRS)
karine.perraut univ-grenoble-alpes.fr

Thibaut Paumard
LESIA (CNRS, Observatoire de Paris, Sorbonne Université, Université Paris-Diderot)
thibaut.paumard obspm.fr