Un programme de science participative découvre un nuage atypique de 3000 km sur Mars

Évolution temporelle du système nuageux de 21h05 à 22h40 UT à travers un filtre vert sans surexposition du disque martien. À partir de 21h42 UT, les couches détachées sont clairement visibles devant le disque et projettent des ombres. Les cercles gris ind © Emmanuel Beaudoin

Actuellement seuls les astronomes amateurs observent de façon globale et continue Mars lorsque la planète est au plus près de la Terre (« opposition »). Une partie de ces passionnés a été agrégée au programme de surveillance initié par Jean Lilensten, directeur de recherche à l’IPAG (l’un des laboratoires de la fédération OSUG), et Jean-Luc Dauvergne, astronome amateur. Ils ont constitué en 2018 un réseau de dix observateurs répartis sur tous les continents.










Le 17 novembre 2020, les Français Christophe Pellier et Emmanuel Beaudoin ont détecté et photographié, durant trois heures, une immense structure nuageuse surgissant de la nuit au terminateur. Cette découverte illustre la sérendipité en science car le but initial du programme était de détecter des aurores polaires sur Mars, et non d’étudier les nuages. Ce qui a été observé ici est atypique pour deux raisons : le complexe nuageux est gigantesque, avec une étendue de 3000 km, et est localisé à 92 km d’altitude, aux portes du vide interplanétaire. L’altitude a été évaluée par deux méthodes indépendantes, notamment par Marc Delcroix, responsable de la commission des observations planétaires de la SAF.

Le nuage diffuse la lumière à toutes les longueurs d’ondes visibles, avec un maximum dans le rouge, ce qui laisse penser qu’il est composé de particules micrométriques. L’hypothèse des poussières a pu être écartée, en revanche des cristaux de glace d’eau ou de glace carbonique sont de bons candidats. Des nuages de glace d’eau ont ainsi déjà été observés à cette altitude et à cette saison, mais avec des cristaux de glace plus petits. La taille des particules observée est compatible avec l’hypothèse du CO2, cependant, la saison d’observation est atypique. Il n’est donc pas possible de trancher entre ces deux hypothèses.

Au même moment ce 17 novembre 2020, une tempête de poussières était en développement sur Mars. Les auteurs questionnent la possibilité que cette activité ait participé à la formation de cette structure nuageuse atypique.

Évolution temporelle du système nuageux de 20H25 à 21H26 UT à travers le filtre rouge (R), vert (G) ou bleu (B). Le disque planétaire est surexposé afin de mieux montrer le phénomène. © Emmanuel Beaudoin
Évolution temporelle du système nuageux de 21h05 à 22h40 UT à travers un filtre vert sans surexposition du disque martien. À partir de 21h42 UT, les couches détachées sont clairement visibles devant le disque et projettent des ombres. Les cercles gris ind © Emmanuel Beaudoin
Panneau supérieur : Le système nuageux de cette étude (11/17/2020) est localisé sur Mars (vert vif) et comparée à l’anomalie magnétique. Nous localisons également l’observation de Sánchez-Lavega et al. (Nature, 2015) le 3 décembre 2012 (vert pâle). La carte magnétique provient de Connerney et al. (2005).
Panneau inférieur : Détections précédentes de nuages de CO2 (étoiles rouges) (Clancy et al. 2007 ; Määttänen et al. 2010 ; Vincendon et al. 2011) projetées sur une carte d’albédo, comparées à l’observation de notre système nuageux.

Références

J. Lilensten, J.L. Dauvergne, C. Pellier, M. Delcroix, E. Beaudoin, M. Vincendon, E. Kraaikamp, G. Bertrand, C. Foster, C. Go, E. Kardasis, A. Pace, D. Peach, A. Wesley, E. Samara, S. Poedts, and F. Colas
Observation from Earth of an atypical cloud system in the upper Martian atmosphere, Astronomy & Astrophysics,

Scientific local contact

 Jean Lilensten, IPAG
 Jean-Luc Dauvergne


Cet article a été publié par le CNRS INSU