L’intrigante géométrie d’une proto-étoile révélée par ALMA

Communiqué de presse d’ALMA Observatory du 8 février 2017

Un des grands mystères de l’astrophysique réside dans la compréhension des différentes étapes de formation d’une étoile telle que la nôtre. Comment une étoile comme le Soleil a pu émerger de l’effondrement gravitationnel d’un nuage moléculaire reste encore un mystère par bien des aspects. Le gaz du le nuage parental est en rotation et possède un moment angulaire. Au fur et à mesure qu’il s’effondre, la force gravitationnelle devient dominante par rapport à la force centrifuge due à la rotation. C’est le moment angulaire qui, en-deçà d’un certain rayon appelé barrière centrifuge empêche cet effondrement.
L’interférométrie est le seul moyen d’atteindre une résolution spatiale suffisante pour découvrir ce qu’il se passe à petite échelle. Une équipe regroupant des chercheurs japonais (menée par Nami Sakai) et français de l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble (IPAG/OSUG) et de l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie de Toulouse apporte de nouvelles briques à cette compréhension du processus de formation stellaire grâce aux observations radio effectuées avec ALMA (Atacama Large Array Millimeter), interféromètre à 66 antennes situé dans le désert d’Atacama au Chili.

Cette équipe étudie une proto-étoile, appelée L1527, située dans le nuage moléculaire du Taureau, une région de formation d’étoiles située à environ 450 années lumière de notre Soleil, qui possède un disque interne en rotation (vu par la tranche) enfoui à l’intérieur de son nuage parental constitué de gaz et de poussières. Les observations ALMA ont permis de l’observer avec une précision, jusqu’ici inégalée, de plusieurs dizaine d’unités astronomiques (1 UA = distance Soleil-Terre). Cette même équipe avait précédemment mis en évidence la présence d’une zone de transition entre l’enveloppe externe et le disque protoplanétaire interne (qui plus tard formera des planètes).

Cette zone avait pu être caractérisée grâce à l’observation ALMA de l’émission de certaines espèces moléculaires comme SO et c-C3H2. Les nouvelles données portent sur l’observation de CCH et SO ; elles permettent de mieux comprendre l’effondrement de l’enveloppe d’une proto-étoile. La barrière centrifuge correspond à une zone où les particules arrêtent leur course vers le centre de la proto-étoile. Les observations montrent une accumulation de matière juste à l’extérieur de cette barrière (Figure 1). Une part significative du moment angulaire est ainsi perdue par cet « embouteillage » et l’onde de choc qu’il provoque conduit à un échauffement du gaz.

Le comportement observé est en accord avec un modèle balistique, ne nécessitant pas de forces magnétiques ou autres, dans lequel les particules de gaz se comportent comme de simples projectiles. D’autres observations à grande résolution spatiale sont en projet pour affiner la compréhension de cette dynamique. C’est un pas supplémentaire vers la connaissance de l’évolution de notre propre système solaire.

Ces résultats ont été publiés dans le journal MNRAS (Monthly Notices of the Royal Astronomical Society) édité par Oxford University Press.
Les auteurs de cette étude sont Nami Sakai,Yoko Oya, Aya E. Higuchi,Yuri Aikawa, Tomoyuki Hanawa, Cecilia Ceccarelli, Bertrand Lefloch, Ana López-Sepulcre, Yoshimasa Watanabe, Takeshi Sakai, Tomoya Hirota, Emmanuel Caux, Charlotte Vastel, Claudine Kahane.

Figure 1 : Carte d’émission de la molécule CCH (couleur) superposée à la carte du continuum de poussière à 0.8 mm. L’enveloppe en effondrement et en rotation tracée par CCH apparaît élargie à un rayon d’environ 150 unités astronomiques. Crédits : Sakai, Nami et al.

Pour en savoir plus
Communiqué de presse d’ALMA Observatory

Source
Vertical Structure of the Transition Zone from Infalling Rotating Envelope to Disk in the Class 0 Protostar, Sakai, Nami et al., IRAS04368+2557.

Contact scientifique local
 Cecilia Ceccarelli, IPAG/OSUG : cecilia.ceccarelli(at)univ-grenoble-alpes.fr, 04 76 51 42 01

Cette actualité est également relayée par
 l’institut national des sciences de l’Univers du CNRS (INSU)