Pluton arbore des montagnes enneigées comme sur Terre, mais pas pour les mêmes raisons

Alerte presse CNRS
© NASA/JHUAPL/SwRI
En 2015, la sonde New Horizons a découvert sur Pluton de spectaculaires montagnes aux sommets couverts de glace, ressemblant de façon frappante aux montagnes terrestres. Un tel paysage n’avait jamais été vu ailleurs dans le système solaire. L’atmosphère de Pluton pourrait-elle se comporter comme celle de la Terre ?
Des travaux menés par des scientifiques du Laboratoire de Météorologie Dynamique (LMD- IPSL / CNRS / Sorbonne Université / École polytechnique / ENS Paris), de l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble (CNRS / Université Grenoble Alpes) [1], du NASA Ames Research Center et du Lowell Observatory (USA) montrent que la « neige » des montagnes de Pluton est faite de glace de méthane. Le méthane est un gaz trace sur Pluton, tout comme la vapeur d’eau sur Terre. Dans un premier, temps il semblait donc crédible que le même processus opérait sur les deux planètes pour enneiger les sommets.

Sur Terre, les températures atmosphériques diminuent avec l’altitude, principalement à cause du refroidissement induit par la dilatation de l’air dans les vents ascendants. En conséquence, la surface est plus froide en altitude car l’atmosphère froide et relativement dense la rafraichit. Ainsi, lorsqu’un vent humide s’approche d’une montagne, il monte et se refroidit, entrainant la condensation de l’eau et la formation de neige.

Sur Pluton la situation est très différente : l’atmosphère se réchauffe avec l’altitude à cause du rayonnement solaire. Très peu dense, elle n’influence pas la température du sol qui reste uniformément froid partout. Sur le flanc des montagnes, l’air est refroidi au contact de la surface et tend à dévaler les pentes, créant ainsi de forts vents descendants.
A gauche, la région de « Cthulhu » près de l’équateur de Pluton et à droite, les Alpes sur Terre. Deux paysages identiques, créés par des processus très différents.
© NASA/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute
© Thomas Pesquet / ESA

Pour comprendre comment un même paysage pouvait être produit dans des conditions aussi différentes, les chercheurs ont utilisé un modèle 3D du climat de Pluton, développé au Laboratoire de Météorologie Dynamique. Ils ont découvert qu’en raison de sa dynamique particulière, l’atmosphère de Pluton est enrichie en méthane gazeux en altitude. En conséquence, il n’y a qu’aux sommets des montagnes suffisamment hautes pour atteindre cette zone enrichie que l’air est assez chargé en méthane pour permettre sa condensation. Plus bas, l’air est trop « sec » en méthane pour que la glace se forme.

Cet exotique processus plutonien pourrait aussi se produire sur Triton (une lune de Neptune doté d’une atmosphère ténue comme sur Pluton et composé des mêmes gaz) ou sur d’autres grands objets transneptuniens (Eris, Makémaké, etc.). Sur Pluton, il contribue probablement à expliquer la formation des crêtes escarpées et étroites des « Bladed Terrains » observées à l’Est des chaines de montagnes enneigées.

Sur Terre, la neige se condense en altitude, car l’air se dilate lors des mouvements ascendants et donc se refroidit (on perd ainsi 1°C tous les 100 m environ). Sur Pluton, la glace de méthane se forme sur le sommet des montagnes lorsqu’elles sont suffisamment hautes pour atteindre les hautes couches atmosphériques, plus chaudes et enrichies en méthane. © Tanguy Bertrand et al.

Référence

Tanguy Bertrand, François Forget, Bernard Schmitt, Oliver White and Will Grundy. Equatorial mountains on Pluto are covered by methane frosts resulting from a unique atmospheric process. Nature Communications, 13 Octobre 2020. DOI:10.1038/s41467-020-18845-3

Contact scientifique local

Bernard Schmitt, IPAG / OSUG

Article initialement publié par le CNRS.