La chimie des nitriles pendant la formation des systèmes planétaires du type solaire
Soutenance de thèse de Lisa Giani - Mercredi 18 Décembre 2024 à 9h30 - Salle Manuel Forestini IPAG
Notre système solaire est né dans un processus qui passe par différentes phases et prend plusieurs millions d’années. L’astrochimie est la discipline qui tente de comprendre ce processus en combinant chimie, observations astronomiques et modélisation. Les modèles tentent de simuler les processus qui régissent l’évolution chimique et de reproduire les observations, mais leurs prédictions dépendent fortement du réseau de réaction utilisé, qui peut être une source d’erreur si des données incorrectes sont présentes. Ainsi, il est fondamental de caractériser les processus chimiques qui régissent la formation et la destruction des molécules dans les conditions particulières du milieu interstellaire (ISM). Jusqu’à présent, plus de 300 molécules ont été détectées dans l’ISM et beaucoup d’entre elles contiennent de l’azote, l’un des éléments les plus importants pour la vie. Parmi eux, les nitriles, qui sont des molécules contenant un groupe fonctionnel C-N, représentent environ 15% de toutes les molécules détectées et présentent un intérêt particulier en raison de leur rôle prébiotique. Cependant, leurs mécanismes de formation ne sont pas toujours contraints, et les modèles ne parviennent pas à reproduire leur abondance. Dans ce contexte, ma thèse vise à comprendre la formation de nitriles, à partir du radical CN, passant par CH3CN, et se terminant par les cyanopolyynes. La thèse a trois objectifs principaux : (1) Construire un réseau de réaction fiable pour la formation de le cyanure de méthyle (CH3CN) et le cyanodiacétylène (HC5N). Le réseau de réaction en phase gazeuse est composé de près de 8000 réactions, mais seulement 20% d’entre elles ont été caractérisées dans les basses températures (10-200 K) et les densités (103-1010 cm-3) de l’ISM. J’ai effectué une revue critique des réactions en phase gazeuse rapportées dans la littérature et dans les bases de données astrochimiques, KIDA et UDfA. Pour les réactions qui n’ont jamais été étudiées, j’ai effectué des calculs théoriques pour obtenir des produits fiables et des constantes de vitesse. Pour CH3CN, j’ai constaté que la moitié des réactions rapportées dans les bases de données étaient incorrect. Pour le cyanopolyyne membre HC5N, j’ai mis à jour le réseau de réaction avec les résultats des calculs théoriques et des données de laboratoire. (2) Réviser le constante de formation du radical CN via des réactions d’association radiative. J’ai étudié la formation du CN et de son isotopologue C15N pour vérifier la présence d’un effet isotopique sur la constante de vitesse. Malgré l’absence d’un effet isotopique significatif, la caractérisation de ces processus peut aider à mieux comprendre les mécanismes responsables du fractionnement de l’azote dans l’ISM. (3) Tester les réseaux révisés de CH3CN et de HC5N à l’aide d’un modèle astrochimique et vérifier si les prédictions du modèle reproduisent les observations. Pour le CH3CN, lorsque l’on utilise le réseau révisé, les prévisions du modèle concordent avec l’abondance observée dans les régions froides (10K) et chaudes (100 K). De plus, j’ai trouvé une explication possible à la corrélation observée entre le CH3CN et le méthanol (CH3OH) dans les hot corinos. Pour HC5N, l’accord est moins bon, ce qui suggère qu’il manque probablement des processus dans le réseau de réaction. Plus de statistiques sur les observations des isotopologues 13C de HC5N pourrait aider à mieux contraindre la chimie de formation des cyanopolyynes. Enfin, je tiens à souligner qu’il ne s’agit que d’un petit travail dans le vaste domaine de l’astrochimie. Malgré les progrès réalisés jusqu’à présent, il existe encore de nombreux processus non caractérisés et des observations qui ne peuvent pas être expliquées avec les modèles actuels. J’espère que ce travail a montré l’importance de la collaboration entre experts de différents domaines pour dévoiler les secrets de la formation de notre système solaire et de l’émergence de la vie.
Direction de thèse
- Cecilia Ceccarelli & Nadia Balucani
Composition du jury
- Dahbia Talbi, Directrice de Recherche, LUPM CNRS, Rapporteure
- Charlotte Vastel, Astronome, IRAP U. Toulouse, Rapporteure
- Pierre Beck, Professeur, IPAG UGA, Examinateur
- Linda Podio, Chargée de recherche, INAF Florence, Examinatrice
- Gunnar Nyman, Professeur, U. Göteborg, Examinateur