Projets de l’équipe Interstellaire

Astrochimie et formation stellaire



Le thème de notre groupe de recherche est d’étudier les molécules interstellaires, leur naissance, leur vie et leur mort, comme outil afin de mieux comprendre le processus de formation stellaire. Le groupe se concentre principalement sur l’étude des premières étapes de la formation de systèmes planétaires autour d’étoiles semblables au Soleil. Notre but est d’établir le lien entre les objets les plus primitifs de notre système solaire et les premiers stades des nébuleuses formant les étoiles. Nous nous spécialisons dans l’observation de ces régions de formation d’étoiles de type solaire et leur environnement jumelée à la modélisation et aux connaissances de la chimie théorique. Pour ce faire, nous utilisons, entre autres, les observatoires de classe mondiale dans le domaine du (sub)millimétrique : IRAM 30m, NOEMA, ALMA, SOPHIA et les archives Herschel.

Membres
Postdoctorant.e.s
Doctorant.e.s
C. Ceccarelli
L. Chahine
J. Robuschi
A. Lopez-Sepulcre

Grands programmes menés par les membres du groupe

IRAM-30m ASAI (Astrochemical Surveys At Iram)
PIs : B. Lefloch & R. Bachiller

Le projet consiste en plusieurs relevés à haute sensibilité au télescope IRAM 30m de raies appartenant aux bandes spectrales de 1mm, 2mm et 3mm pour dix sources représentant les différentes phases et aspects de la formation stellaire autour de jeunes étoiles de type solaire. Ce grand ensemble de données, unique et homogène, a permis, pour la première fois, de mettre en lumière l’évolution chimique se déroulant durant le processus de formation stellaire autour d’étoiles de type solaire. Parmi les résultats majeurs d’ASAI, nous comptons le recensement complet de la richesse et la diversité chimique des protoétoiles, des coeurs préstellaires ainsi que des chocs préstellaires. Grâce au projet ASAI, nous avons également pu détecter de nouvelles espèces moléculaires.

IRAM/NOEMA SOLIS (Seeds Of Life In Space)
PIs : C. Ceccarelli & P. Caselli

Ce projet se concentre sur les observations à haute résolution spatiale (100-1000 AU) de molécules organiques complexes interstellaires (iCOMs) auprès de sept objets et environnements de type solaire. Ces observations ont pour but de délimiter observationnellement les voies chimiques de cette classe unique de molécules, lesquelles peuvent avoir été empruntées dans le jeune environnement Terrestre. Ces observations, complétées en 2018, ont déjà permis de comprendre l’origine des sources ionisantes des nébuleuses proto-solaires ainsi que la voie de formation du formamide, une molécule potentiellement cruciale pour l’apparition de la vie.

ALMA FAUST (Fifty AU STudies of the chemistry of the disk/envelope system of solar-like protostars)
PIs S.Yamamoto, C.Ceccarelli, C. Chandler, C.Codella, N.Sakai

Le but du programme ALMA FAUST est de révéler et quantifier la diversité de la composition chimique du système enveloppe/disque à des échelles de 50 ua pour un échantillon de protoétoiles de Classe 0 et I représentatif de la diversité chimique observée aux plus grandes échelles. Les familles moléculaires ciblées incluent les molécules organiques, les ions moléculaires et les molécules deutéré.

D’autres "plus petits" projets observationnels sont également menés par les membres du groupe, comme les premières mesures d’ionisation induite par les rayons cosmiques à l’intérieur des nuages moléculaires situés près de restes de supernova. Ces régions émettent des rayons gamma, ce qui démontre la présence de rayons cosmiques fraichement accélérés par le choc des restes de supernova. Un autre projet nous permet également d’identifier la composition chimique des jets protostellaires, ceci grâce au premier recensement de iCOMs couplé à l’observation détaillée de la structure typique d’un jet et choc protostellaire.

L’astrochimie théorique et sa modélisation

1- L’étude de la surface des grains interstellaires : Au cours des cinq dernières années, nous avons ouvert un nouveau champ de recherche s’articulant autour des calculs de la chimie quantique. Ses activités impliquent : (a) l’énergie de liaison et les particularités du spectre infrarouge proche des molécules. (b) La réaction radical-radical à la surface gelée des grains. (c) L’hydrogénation des atomes/molécules, e.g. la formation de l’eau. (d) L’échange hydrogène-deutérium entre l’eau et les molécules organiques en phase solide.
2- Chimie de la phase gazeuse : Nous faisons une étude systématique des réactions qui peuvent synthétiser et/ou détruire les iCOMs en phase gazeuse.
3- Modèles astrochimiques : Nous avons deux axes majeurs de recherche : (a) Nous développons un nouveau réseau d’astrochimie, le University of Grenoble Astrochemical Network (UGAN) dédié à la chimie des isomères de spin (nucléaire ; espèce ortho/para). (b) Nous continuons le développement du code gaz-grain GRAINOBLE et son utilisation, des objets protostellaires aux nuages extragalactiques.


La formation stellaire : un point de vue statistique

Le thème de notre groupe de recherche est de comprendre les mécanismes de la formation stellaire à l’aide d’études statistiques des nuages moléculaires Galactiques formant des étoiles massives et des amas stellaires riches.

Membres
Postdoctorant.e.s
Doctorant.e.s
F. Motte
N. Cunningham
S. Chevalier
F. Louvet

Grands programmes menés par les membres du groupe

Un nouveau scénario pour la formation des étoiles massives

Depuis plusieurs décennies, nous savons que les étoiles de type solaire (0.1 − 2 M⊙) se forment par effondrement gravitationnel d’un coeur préstellaire qui est une fluctuation du nuage ayant lentement gagné en masse jusqu’à devenir gravitationnellement lié. Pour ce qui est des étoiles massives (∼ 10−100 M⊙), les phases précoces (pré-stellaires et protostellaires) menant à leur formation sont encore très mal connues et aucun scénario de formation d’étoiles massives n’emporte à ce jour un fort consensus. Fort de ce constat, nous avons mené le programme clé Herschel/HOBYS et des observations de suivi à plus haute résolution angulaire afin de rechercher de façon systématique les progéniteurs des étoiles massives. Dans le cadre de HOBYS, nous avons découvert des nuages filamentaires à très haute densité qui sont les sites privilégiés pour former des étoiles massives. Ces "ridges" ou "hubs" seraient formés par la collision puis la fusion de plusieurs filaments et seraient nourris par le gaz de filaments moins denses en chute libre (Louvet et al. 2016 ; Rayner et al. 2017). Ces résultats suggèrent un lien très étroit entre la formation des étoiles (massives) et de leur nuage parent. Au sein de ces ridges/hubs, nous n’avons découvert qu’un très petit nombre de candidats coeurs préstellaires massifs (Tigé et al 2017 ; Nony et al 2018), montrant clairement que les analogues massifs des coeurs préstellaires de type solaire n’existent en général pas. Par suite, nous avons proposé, pour la formation des étoiles massives, une séquence empirique évolutive dans laquelle la phase préstellaire serait remplacée par la formation simultanée des filaments, coeurs et protoétoiles. Ce scénario a été présenté dans la revue Annual Review of Astronomy and Astrophysics (Motte, Bontemps, & Louvet 2018a).

ALMA et MnGSeg : un nouveau point de vue sur l’origine de l’IMF

Il est fondamental de comprendre l’origine des masses stellaires et de leur distribution (fonction de masse initiale) tant pour le domaine de la formation des étoiles que pour l’évolution des galaxies de l’univers proche au plus lointain. La fonction de masse initiale des étoiles (IMF), donnant le nombre relatif d’étoiles nées avec une masse entre 0.08 Msun et plus de 100 Msun, est souvent considérée comme universelle. L’origine de l’IMF et sa dépendance ou non avec les environnements galactiques restent encore quant à elles des problèmes non résolus. Dans les régions de formation d’étoiles qui sont étudiées depuis 20 ans, la fonction de masse des coeurs (CMF) est remarquablement similaire à l’IMF canonique. La forme de l’IMF serait donc tout simplement héritée de celle de la CMF et il existerait une relation directe entre la masse des étoiles et celle des coeurs.

Les régions étudiées ne sont cependant pas représentatives des conditions typiques de formation d’étoiles dans notre Galaxie et à plus forte raison dans les galaxies. Étudier la partie de la CMF allant jusqu’à plusieurs centaines de masse solaire nécessite de cibler des nuages plus massifs et plus typiques de la Voie Lactée, situés plus loin du soleil et nécessitant donc leur cartographie avec des interféromètres millimétriques très sensibles comme ALMA et NOEMA. Nous avons donc lancé le grand programme ALMA-IMF (PI F. Motte) pour contraindre la CMF dans des régions situées sur des bras galactiques. Une première étude sur un nuage nommé W43 a révélé des coeurs massifs en surnombre par rapport à la forme de l’IMF canonique. Ce résultat a été présenté dans un article Nature Astronomy (Motte, Nony, Louvet et al. 2018b) et des communiqués de presse. Il est confirmé par les études menées sur les autres régions ALMA-IMF (Pouteau et al. 2022, 2023 ; Nony et al. 2023 ; Louvet et al. 2024) qui suggèrent l’existence de coeurs massifs en surnombre par rapport à la forme de l’IMF canonique quand et où se développe une flambée de formation d’étoiles. L’IMF serait-elle déterminée par un processus différent selon que les étoiles se forment dans le voisinage solaire ou dans une région extrême de la Voie Lactée ? Sous-estimons-nous les effets de l’environnement sur l’IMF et son origine ?

Nous voulons aller plus loin que l’interprétation classique où les coeurs sont séparés de leur environnement. Pour ce faire, nous considérons les écoulements de gaz provenant des grandes échelles spatiales ainsi que les jets de matière et la multiplicité des étoiles afin de déterminer quel est le véritable "réservoir de masse" de chacun des lieux de formation d’étoiles. Nous avons notamment développé la technique Multiscale non-Gaussian Segmentation (MnGSeg, voir Robitaille et al. 2014, 2019) basée sur les transformées en ondelette de Morlet afin de séparer les structures dites cohérentes, comme les filaments et les coeurs, de la portion fractale et plus diffuse des nuages moléculaires. Cet outil est utilisé afin de voir si les structures cohérentes des nuages sont associées aux variations de la CMF, et donc possiblement à l’origine de la IMF.



Cosmologie et Univers jeune

Le thème de notre groupe de recherche se concentre sur la cosmologie et l’étude de l’Univers jeune, avec une emphase sur la réalisation de nouveaux détecteurs submillimétriques incluant NIKA2 et CONCERTO.

Membres Doctorant.e.s
N. Ponthieu L. Pamphile
F.-X. Désert

Grands programmes menés par les membres du groupe

Groupement d’Intérêt Scientifique GIS-KIDS (site internet)

Depuis environ 25 ans, l’IPAG, le LPSC, l’Institut Néel et l’IRAM collaborent à des projets de pointe en astronomie millimétrique et en cosmologie. Notre expertise dans l’exploitation des télescopes, la cryogénie, les nanotechnologies, l’électronique et l’analyse des données nous a permis de mener à bien des projets au sol (Diabolo, NIKA et NIKA2), en ballon (Archeops) et en satellite (Planck).

Les détecteurs d’inductance cinétique (KID) sont une technologie nouvelle et prometteuse basée sur la variation d’inductance d’un supra conducteur lorsqu’il est irradié par des photons. Alors que nous disposons déjà de deux instruments balayant actuellement le ciel avec des réseaux de 2 000 KID, NIKA2 (télescope de 30 m de l’IRAM, Pico Veleta, Espagne) et Concerto (APEX, ESO, Chili), nous sommes désormais en mesure de construire des réseaux de 8 000 d’entre eux. Ces résonateurs et leur électronique ne sont pas seulement utiles pour l’astronomie, mais aussi pour faire fonctionner les Qubits et progresser vers l’informatique quantique. Les KID sont intégrés dans des instruments cryogéniques complexes. Notre expertise porte également sur la conception et la construction de ces instruments, de leurs composants optiques et électroniques associés, et sur le développement de la chaîne d’analyse des données de bout en bout.

NIKA2 (site internet)

Le groupe est très impliqué dans le projet NIKA2. Le New IRAM Kid Arrays (NIKA2) est un instrument de nouvelle génération qui observe l’émission continue et qui est installé au télescope IRAM de 30m, à Pico Veleta (Espagne). NIKA2 s’inscrit dans la continuité d’instruments embarqués sous des ballons stratosphériques et sur des missions spatiales (Archeops, Planck, Herschel) pour lesquelles notre groupe assumait des responsabilités majeures. Le plan focal de NIKA2 est entièrement échantillonné par les Kinetic Inductance Detectors (KID), une nouvelle technologie de détecteurs supraconducteurs qui permet, à la fois, d’avoir une grande sensibilité et un fort facteur de multiplexage. En collaboration étroite avec l’Institut Néel, le LPSC et l’IRAM, nous avons été en charge de chaque étape du projet, de la conception à la caractérisation au télescope. Nous sommes responsables de la coordination du développement de la chaîne d’analyse des données.

NIKA2 est déjà disponible à la communauté astronomique depuis 2017. La collaboration est en charge de 1300 heures d’observations garanties, celles-ci partagées entre cinq "Large Programs". Le groupe de l’IPAG est co-PI de deux d’entre eux (PIs : G. Lagache & Beelen and PI : Mayet). Le premier programme s’intéresse à la physique des amas de galaxies par la cartographie détaillée d’amas détectés par Planck via l’effet Sunyaev-Zel’dovitch. Le deuxième, en cartographiant deux champs du ciel profonds (GOODS-North et COSMOS), nous permettra d’avoir une meilleure compréhension de la formation stellaire à haut redshift, en plus de l’évolution de la poussière dans les galaxies submillimétriques à fort taux de formation stellaire.

NIKA2 permet également la mesure de la polarisation linéaire à 1.2 mm, ce qui lui permettra d’apporter des informations inédites sur la structure du champ magnétique au voisinage des filaments qui sont le siège de la formation stellaire, tout en apportant un retour d’expérience instrumental sur la mesure de la polarisation depuis le sol, dans le cadre de la recherche des modes B de la polarisation du CMB.

KISS/CONCERTO
PI : G. Lagache, LAM

CONCERTO est un spectro-imageur basé sur un interféromètre de type Martin-Puplett et sur une caméra KID. Il sera installé au télescope APEX/ESO en 2021. Il cartographiera la raie CII à 158 micron jusqu’à un redshift de 7-8 et permettra de tracer l’époque de réionisation et l’histoire de l’évolution des galaxies. CONCERTO sera ensuite un instrument ouvert à la communauté et notre équipe se chargera de distribuer les procédures de réduction et d’analyse des données. KISS, le précurseur de CONCERTO, est rattaché à l’antenne du projet QUIJOTE à Tenerife et a déjà acquis des données durant plusieurs sessions d’observations depuis décembre 2018. Ces données sont essentielles afin de pouvoir construire la chaîne d’analyse des données et comprendre les effets systématiques spécifiques à ce type d’instrument.