Projets de l’équipe Odyssey

L’origine et l’évolution des amas stellaires jeunes
Fig 1 : Identification de nouveaux groupes stellaires dans la région du Taureau d’après Joncour et al. (2018)
Nos études, qui se basent sur des observations avec des techniques multiples, ont pour objectif de caractériser les propriétés statistiques des étoiles jeunes dans les amas stellaires (fonction de masse initiale, multiplicité, distribution spatiale et en vitesse) afin de contraindre leur mécanismes de formation et d’investiguer les effets sur leur environnement. En particulier, nous avons mis en évidence une fonction de masse initiale dite "top-heavy" de l’amas le plus jeune dans la région de formation stellaire massive Cygnus X (Maia et al. 2016). Nous avons développé un code numérique hiérarchique Bayesien pour déterminer quelles étoiles font partie d’un amas, à partir de leur photométrie et de leur mouvement propre (Olivares et al. 2018 ; thèse doctorale 2015-2017). Un effort particulier a été fait pour développer les outils statistiques permettant d’identifier et de quantifier les sous-structure stellaires à plusieurs échelles, depuis le régime binaire jusqu’aux groupes dits "lâches". L’application de ces techniques dans la région de formation stellaire du Taureau a permis de révéler une population de systèmes à grande séparation (5 000-60 000 AU) dont les propriétés favorisent un scénario de fragmentation en cascade (Joncour et al. 2017) et a permis l’identification de groupes stellaires, qui sont interprétés comme l’empreinte du processus de formation des étoiles dans ce nuage (Joncour et al. 2018, Fig. 1). Ce travail a été effectué dans le cadre du projet européen H2020 "StarFormMapper”.





Par ailleurs, notre groupe est très impliqué dans la préparation et l’exploitation des données Gaia qui fournissent les parallaxes et les mouvements propres des étoiles les plus brillantes et les moins enfouies dans l’amas, avec une précision sans précédent. Ceci a mené à la publication du diagramme HR vu par Gaia (Babusiaux et al. 2018, Fig. 2). C. Babusiaux est membre du consortium DPAC Gaia, et d’autres membres de l’équipe sont impliqués dans des relevés complémentaires au sol (Gaia-ESO-Survey, DANCe). En combinant la photométrie, la spectroscopie et les données astrométriques, l’appartenance des étoiles dans un amas peut être précisée, les cartes d’extinction 3D peuvent être reconstruites, et la structure des étoiles analysées dans un espace des phases à 6D.
Fig 2 : Diagramme HR vu par Gaia, d’après Gaia
Coll. Babusiaux et al. (2018)

L’évolution du gaz et de la poussière dans les disques circumstellaire : vers les systèmes planétaires
Les phases précoces de la formation des étoiles et des planètes

Nous études ont pour objectif de caractériser les phases précoces de la formation des étoiles et des planètes. Nous utilisons les observatoires NOEMA et ALMA pour étudier la composition chimique des envelopes proto-stellaires, et en particulier les propriétés des lignes de glaces (Anderl, Maret et al. 2016), et la formation des disques (Maury et al. 2019, Maret et al. 2020). Ce travail a été financé par le projet ANR Chemodyn (2012-2015) porté par S. Maret. Un produit de ce travail est le code public Astrochem (S. Maret & E. Bergin 2015) que nous utilisons à présent pour étudier la chimie dans les disques dans le cadre du projet ANR PFD.

Observations à haute résolution angulaire des disques proto-planétaires

ALMA et SPHERE sont les instruments qui nous permettent les avancées les plus significatives. Notre équipe est extrêmement active dans l’exploitation des ces instruments, avec plus de 100 articles publiés. Une des découvertes les plus importantes est que les disques protoplanétaires sont loin d’être symétriques. Ils montrent des anneaux, des sillons, parfois des spirales ou des vortex qui sont autant d’indices de la présence de planètes (Benisty et al. 2017, Fig. 3, à droite). Nous avons clairement démontré avec ALMA qu’une sédimentation verticale des poussières est déjà à l’oeuvre (Pinte, Dent, Ménard et al. 2016). Nous avons également identifié grâce à ALMA les signatures de vents de disques lents, probablement d’origine magnétique (Louvet, Dougados et al. 2018). Ces vents pourraient être des acteurs majeurs dans le transport et l’évolution du moment cinétique.

Premières détections de proto-planètes jeunes

Plus récemment, grace aux progrès que nous avons réalisé dans l’analyse des données, l’équipe ODYSSEY a démontré ses capacités en découvrant les première planètes encore enfouies dans leur disque riche en gaz, à une époque où elles continuent à grossir. Nous avons utilisé SPHERE pour découvrir PDS 70b (Keppler, Benisty et al. 2018, Fig. 3 à droite).

Fig 3 : A gauche : Image SPHERE des ombres et des spirales
dans HD100453 d’après Benisty et al. (2017).
A droite : détection de la protoplanète PDS 70b avec SPHERE,
d’après Keppler, Benisty et al. (2018)

Nous avons utilisé ALMA pour découvrir les signatures cinématique des planètes de la masse de Jupiter dans HD163296 et HD97048 (Pinte, Price, Ménard et al. 2018). Ces découvertes avec ALMA ont fait des prédictions sur la position exacte des planètes, et ces prédictions sont maintenant clairement vérifiées avec SPHERE dans HD97048 (Pinte, van der Plas, Ménard et al. 2019). Capturer des planètes enfouies dans leur disque natal, pendant leur formation, a été pendant longtemps un de nos objectifs principaux, et ouvre à présent de nouveaux champs de recherche.

Une autre force de l’équipe est sa capacité d’analyse des données que nous avons développé en parallèle. Notre code de transfert radiatif (MCFOST) a été étendu afin d’inclure les raies rotationnelles, et il continue d’être développé, dans le cadre de l’ERC SPIDI, pour inclure les raies atomiques afin de modéliser les processus d’accrétion sur l’étoile. Concernant le traitement des raies moléculaires, le couplage entre MCFOST et Astrochem permet le calcul détaillé des abondances moléculaires, des populations des niveaux d’énergie, et la propagation des rayons lumineux. Dans le contexte de l’ANR PFD, MCFOST a également été couplé avec le résultat de simulations (M)HD, en particulier celles réalisés par l’équipe Sherpas avec Pluto.

Evolution du disque interne et de l’étoile
Champs magnétiques et interaction étoile-disque

Fig 4 : Distribution des composantes du champ magnétique
de l’étoile T Tauri V807 Tau, reconstruites à partir d’observations
spectropolarimétriques ESPaDOnS en utilisant la technique ZDI
(Pouilly et al. 2021)

Les membres d’ODYSSEY s’impliquent activement dans l’exploitation scientifique des spectro-polarimètres optiques et infra-rouge proche (CFHT/ESPADONS et SPIROU, TBL/NARVAL, ESO/HARPS-Pol). Des campagnes d’observation à grande échelle, incluant de l’interférométrie, de la spectropolarimétrie, de la spectroscopie à haute résolution angulaire et de la photométrie multicolore, sont organisées afin d’examiner la région d’interaction entre le disque et l’étoile dans des systèmes jeunes. Ces campagnes impliquent un grand nombre de collaborateurs autour du monde, comme Jean-Francois Donati (IRAP, France), Silvia Alencar (UFMG, Brésil), Gaitee Hussain (ESA, Pays-Bas), Konstantin Grankin (CrAO, Crimée), Gaspard Duchêne (U. California, USA), Agnès Kospal (Konkoly obs., Hongrie), Oleg Kochukhov (Uppsala U., Sweden) et Ann-Marie Cody (NASA-Ames, USA) parmi d’autres. Nous caractérisons l’intensité et la topologie du champ magnétique dans des étoiles jeunes de plusieurs classes, depuis les proto-étoiles de classe I et T Tauri de faible masse jusqu’aux étoiles de Herbig Ae-Be (Fig. 4, Villebrun et al. 2019, Pouilly et al. 2020, 2021). Nous sommes impliqués dans le SPIRou Legacy Survey (2019-2024) qui nous permettra de révéler les propriétés magnétiques des proto-étoiles profondément enfouies. Nous combinons ces mesures avec des analyses temporelles de la variabilité spectrale et photométrique (K2, TESS) afin de déduire la structure et la dynamique de la région d’accrétion magnétosphérique qui s’étend depuis le bord interne du disque jusqu’à la surface de l’étoile (Alencar et al. 2018 ; Donati et al. 2019, 2020, Bouvier et al. 2020, Sousa et al. 2021). Nous développons des modèles d’accrétion magnétosphérique et de transfert de rayonnement hors-ETL dans les étoiles T Tauri afin de prédire les flots d’accrétion et leurs signatures spectrales que nous comparons aux observations (Fig. 5, Pantolmos et al. 2020, Tessore et al. 2021). A terme, nous avons 3 buts :
  • détecter des planètes naissantes enfouies dans disque interne de ces systèmes, et orbitant à une distance d’une fraction d’au de l’étoile centrale. C’est l’objectif du projet ERC SPIDI.
  • comprendre l’origine du champ magnétique dans les étoiles et suivre son évolution proto-stellaire. C’est un des objectifs du projet ANR PROMETHEE.
  • prédire l’impact du champ magnétique sur l’évolution du disque protoplanétaire et sur la formation des planètes internes. Cette question est traitée dans les projets SPIDI et PROMETHEE.

Fig 5 : Simulations MHD des flots d’accrétion magnétosphérique
dans une étoile T Tauri, calculées avec le code PLUTO (droite).
Distribution d’emission de la raie Halpha calculée à partir
d’un modèle magnétosphérique analytique équivalent,
avec le code de transfert radiatif hors-ETL MCFOST (left).
Credits : G. Pantolmos, B. Tessore

Etudes interférométriques dans le proche infrarouge des étoiles/disques jeunes

Fig 6 : Images reconstruites de l’unité astronomique interne
en émission proche infrarouge d’étoiles Herbig Ae Be
avec PIONIER-VLTI (Kluska et al. 2020)

Nous avons conduit le premier grand relevé interférométrique dans le proche infrarouge d’étoiles jeunes pré-séquence principale avec l’instrument PIONIER au VLTI (Lazareff et al. 2017) et GRAVITY (GRAVITY Collaboration : Perraut et al. 2019). Cette étude, qui contient plus de 50 objets, fournit la première preuve statistique que la région de transition de sublimation est grande en rayon, et épaisse verticalement, ce qui contraint fortement les propriétés des poussières. De plus, elle fournit une base de données unique qui relie les propriétés du disque interne aux échelles plus grandes observées par ALMA/SPHERE ou l’interféromètre infrarouge moyen MATISSE. Pour les objets les mieux résolus, nous avons reconstruit les images grâce à un algorithme dédié afin de cartographier les distorsions morphologiques du disque interne qui pourraient indiquer le processus de formation de planètes (Fig. 6, Kluska et al. 2020). Les membres d’ODYSSEY sont très impliqués dans l’exploitation scientifique de l’instrument GRAVITY VLTI qui a été installé en 2016 (GRAVITY collaboration 2017). En particulier, nous co-dirigeons le GTO Large Program sur les objet jeunes, qui contient une centaine d’étoiles jeunes (étoiles de Herbig et T Tauri) que nous observons dans le continuum en bande K et dans plusieurs raies d’émission telles que la raie d’hydrogène Brγ et les raies de têtes de bande du CO (GRAVITY Collaboration : Caratti o Garatti et al. 2020). Ces cibles couvrent un large éventail de propriétés, et nous rechercherons des corrélation entre ces propriétés et celle de l’étoile (type spectral, masse, luminosité, taux d’accrétion) et de celles du disque (flux de lumière re-traité, présence de sillons, morphologie plate ou évasée). Les premières observations GRAVITY de la raie Brγ dans des étoiles de T Tauri ont étés publiées dans GRAVITY Collaboration : Garcia-Lopez et al. (2017) et Bouvier et al. (2020), où la région d’accrétion magnétosphérique dans le disque jeune de pré-transition DoAr44 est sondé. Cette dernière étude fait partie d’une campagne d’observation spectro-polarimétrique et de suivi temporel, comme décrit ci-dessus.