Projets de l’équipe Sherpas

Les activités de l’équipe Sherpas couvrent une large gamme de phénomènes physiques : rayonnement à haute énergie, physique des particules, physique des plasmas, turbulence et astrocladistique.

Observation du rayonnement de haute énergie

Noyaux Actifs de Galaxies, Centre Galactique, Systèmes Binaires X, Emission Diffuse

Motivations

Les observations du ciel à haute énergie révèlent de nombreux objets compacts, trous noirs Galactiques et extragalactiques, étoiles à neutrons et naines blanches, et permettent d’étudier les processus de rayonnement associés à ces objets et à leur environnement extrême. Les diagnostiques observationnels (morphologie, variabilité, flux et spectre) révèlent les phénomènes physiques à l’œuvre dans ces objets et sont essentiels pour tester les prédictions théoriques développées dans notre équipe.

(Gauche) Image combinée radio/optique/X du Noyau Actif de Galaxie Centaurus A.
(Droite) Vues d’artistes des régions internes d’un noyau actif de galaxie (bas) et d’une binaire X (haut)



Ces deux systèmes présentent les mêmes régions d’émission (disque, couronne, vent, jet) alors que la différence en masse et en taille est généralement supérieure à six ou neuf ordres de grandeur.

Objectifs

Bien qu’on étudie les objets compacts depuis plusieurs décennies, un grand nombre de questions restent encore sans réponse :

  • Quelle est la géométrie des régions centrales proche de l’objet compact ? Quelles sont leurs dynamiques ?
  • Quels sont les processus radiatifs à l’origine de l’émission haute énergie observée ? Quelle est l’origine de sa variabilité ?
  • Que peut on déduire des signatures de vents et de jets sur les processus d’éjection ? sur les liens accrétion-ejection ?
  • Quelles sont les différences/ressemblances observationnelles entre les noyaux actifs de galaxies et les binaires X ?
  • Que peut-on apprendre des populations de sources X et Gamma détectées ?

Méthodes

Nous accédons aux conditions physiques proches de l’objet compact grâce aux observations multi-longueurs d’onde, couvrant l’ensemble du spectre électromagnétique de la radio aux rayons gamma. Notre groupe est plus spécifiquement impliqué, en tant que PI et co-I, dans des observations impliquant les satellites de haute énergie tels que XMM-Newton, Chandra, NuSTAR et IXPE.

Contacts

Pierre-Olivier Petrucci, Maïca Clavel, Guillaume Dubus, Gilles Henri, Dilruwan Dehiwalage Don, Vittoria Gianolli, Maxime Parra


Physique cinétique et accélération de particules

Pulsars, vents et nébuleuses de pulsars. Trous noirs de masse stellaire et trous noirs supermassifs. Jets relativistes, blazars. Sursauts gamma. Explosions de type nova.

Motivations

Nous disposons aujourd’hui de preuves observationnelles accablantes qui montrent que les objets compacts (naines blanches, étoiles à neutrons, trous noirs) sont impliqués dans certains des phénomènes d’accélération de particules les plus extrêmes de l’Univers. Les spectres des particules qui s’échappent de ces accélérateurs cosmiques suivent des lois de puissance qui s’étendent jusqu’à des énergies prodigieuses, plusieurs ordres de grandeurs supérieurs au-delà de l’énergie de masse des particules (i.e., elles sont ultra-relativistes). L’attention de la communauté se portent essentiellement sur deux processus d’accélération : l’accélération diffusive dans les ondes de chocs et la reconnexion magnétique.

Simulation 3D PIC globale de la magnétosphère d’un pulsar dont l’axe magnétique est incliné par rapport à l’axe de rotation de l’étoile à neutron (Cerutti et al. 2016)
Simulation PIC en relativité générale de la magnétosphère d’un trou noir tournant (Crinquand et al. 2021)

Accélération de particules dans les ondes de choc relativistes anisotropes et magnétisées (Cerutti & Giacinti 2020)

Objectifs

Les travaux de l’équipe dans ce domaine tentent de répondre aux questions fondamentales suivantes :

  • Comment les particules sont-elles accélérées dans les sites de reconnexion magnétique relativistes ?
  • Comment et où sont accélérées les particules dans les magnétosphères d’étoiles à neutrons et des trous noirs ?
  • Comment sont accélérées les particules dans les ondes de chocs non-collisionnelles relativistes et magnétisées ?
  • Quelles sont les signatures observationnelles des divers processus d’accélération ?

Méthodes

L’étude des processus d’accélération nécessite une description fine et complète des processus plasmas à l’échelle cinétique, c’est-à-dire en dessous du rayon de Larmor des particules. Les méthodes numériques de type particle-in-cell (PIC) sont parfaitement adaptées à ce problème : elles permettent à la fois de modéliser le mouvement des charges du plasmas, l’évolution des champs électromagnétiques et leur couplage avec les particules de manière auto-cohérente. L’équipe utilise et développe le code Zeltron, un code PIC performant et optimisé à l’étude des plasmas relativistes astrophysiques.

Le projet ERC-SPAWN

Le projet ERC-SPAWN (Simulating Particle Acceleration WithiN black hole magnetospheres, 2020-2025) vise à produire un modèle numérique ab-initio de l’accélération de particules dans les magnétosphères de trou noir. Ce travail est essentiel pour interpréter les observations actuelles et futures du centre Galactique et des trous noirs supermassifs proches avec Gravity@VLTI et l’Event Horizon Telescope.

Contacts

Benoît Cerutti, Guillaume Dubus, John Mehlhaff, Enzo Figueiredo, Valentina Richard Romei, Adrien Soudais

Modélisation des phénomènes d’accretion-éjection

Jeunes Etoiles en Formation, Noyaux Actifs de Galaxies, Microquasars et Systèmes Binaires

Motivations

Les travaux de l’équipe autour des phénomènes d’accrétion-éjection cherchent à modéliser et interpréter l’émission des objets astrophysiques présentant des disques d’accrétion. Nous savons aujourd’hui que les phénomènes d’accrétion sont quasiment systématiquement associés à de l’éjection, sous la forme de jet ou de vent. Une spécificité de l’équipe Sherpas est de se concentrer sur l’interaction entre le champ magnétique à grande échelle et le disque d’accrétion pour expliquer ce lien, en utilisant à la fois des modèles phénoménologiques, des observations et des simulations numériques haute performance.

Objectifs

Les travaux dans cette thématique cherchent à répondre aux questions suivantes :

  • Par quel mécanisme ces disques accrètent ils (turbulence hydro/MHD, éjection...) ?
  • Quels sont les liens entre phénomènes d’éjection et d’accrétion ?
  • Comment le champ magnétique évolue dans ces objets et quelles seraient les signatures associées ?
  • Quels sont les liens entre ces processus d’accrétion-éjection et les processus radiatifs se produisant dans l’environnement des objets compacts (Binaires X, AGNs, variables cataclysmiques, FuOr) ?
Modélisation d’un disque se formant dans un système binaire compact (novae naine/Binaire X). La secondaire est à droite et perd de la matière qui vient spiraler autour de l’étoile primaire au centre de la simulation.

Méthodes

Pour la partie modélisation, nous utilisons à la fois des solutions semi-analytiques (type solutions auto-similaires), des modèles phénoménologiques de disques, et des simulations numériques directes dans l’approximation de la magnétohydrodynamique (codes IDEFIX, PLUTO et SNOOPY)

Modélisation d’un disque turbulent avec le code PLUTO (vue par la tranche) montrant à la fois l’accrétion et l’éjection de matière, code PLUTO (Jacquemin-Ide et al. 2021).

Les modèles semi-analytiques permettent une comparaison plus facile aux observations. C’est par exemple le cas des solutions auto-similaires de disque éjectant (JED pour Jet Emitting Disque) développées dans l’équipe sherpas depuis des années. Elles peuvent etre comparées aux observations X d’objets compacts comme les AGN ou les binaires X.

Ajustement des spectres X de la binaire X GX 339-4 durant son sursaut de 2010-2011 avec le modèle de disque éjectant. Les marqueurs noirs sont les valeurs observées (Clavel et al. 2016) tandis que les lignes de couleur affichent les résultats des ajustements : vert, bleu, jaune et rouge pour les états dur, dur-intermédiaire, mou-intermédiaire et mou, respectivement. Gauche : Courbes de lumière. Droite : Disk Fraction Luminosity Diagramme (voir Marcel et al. 2019).

Contacts

Jonathan Ferreira, Geoffroy Lesur, Pierre-Olivier Petrucci, Guillaume Dubus, Nicolas Scepi, Marc Van den Bossche, Nathan Zimniak

Dynamique des disques protoplanétaires

Jeunes Etoiles en Formation et Systèmes Planétaires.

Motivations

Les disques protoplanétaires sont des environnements froids et peu ionisés. Ils peuvent néanmoins être décrit comme un plasma non idéal, sujet à un couplage au champ magnétique dépendant de la localisation à l’intérieur du disque. On pense aujourd’hui que ce couplage est nécessaire pour expliquer les taux d’accrétion dans les disques protoplanétaires mais aussi les vents moléculaires qui sont observés quasi-systématiquement.

Objectifs

L’objectif de cette thématique de recherche est de réaliser des modèles plasma non-idéaux de ces disques à partir des premiers principes de la physique, afin d’en déduire des signatures observationnelles de la dynamique de ces objets. En particulier :

  • Comprendre comment ces objets accrètent, malgré leur très faible fraction d’ionisation
  • Comprendre comment les vents interagissent avec les poussières présentes dans le disque (sédimentation, entraînement et transport)
  • Etudier l’interaction entre le plasma et les planètes en formation encore enfouie dans le disque, en particulier la migration des planètes, en fonction de leur masse.
Écoulement et carte de densité de l’écoulement au voisinage d’une planète d’une masse de Jupiter en formation (à droite sur la figure) dans un disque magnétisé. Modèle réalisée par G. Wafflard-Fernandez, code IDEFIX.




Vu en coupe de la cavité d’un disque de transition magnétisé, code PLUTO

Méthodes

Pour étudier ces phénomènes, nous utilisons des méthodes numériques adaptées à la résolution des équations de la magnétohydrodynamique (MHD) compressible. En pratique, nous utilisons le code Idefix, qui est un code aux volumes finis Godunov de nouvel génération, adapté aux super-calculateurs accélérés massivement parallèles (par. exemple utilisant des GPUs) tel que Jean Zay à l’Idris ou Adastra au CINES.

Le projet ERC-MHDiscs

Le projet ERC MHDiscs vise à réaliser des simulations ab-initio de disques protoplanétaire prenant en compte l’interaction avec le champ magnétique environnant et le faible degré d’ionisation de ces objets. Nous cherchons notamment à obtenir des prédictions quantitatives observables qui signeraient la présence de planètes enfouies dans ces disques, ou de phénomènes magnétohydrodynamiques précurseurs de la formation planétaire.

Contacts

Geoffroy Lesur, Nicolas Scepi, Gaylor Wafflard-Fernandez, Jonah Mauxion

Astrocladistique et astrostatistique

Motivations

Les grosses masses de données sont une réalité incontournable en astrophysique aujourd’hui, et les outils adaptés commencent à se répandre et à se développer : Statistique, Big Data, Data Mining, Machine Learning, Deep Learning, IA (Intelligence Artificielle), ces termes font désormais partie du paysage des astrophysiciens. Encore balbutiante il y a une dizaine d’années, l’astrostatistique a désormais son journal dédié que Didier Fraix-Burnet a créé en 2019.

Un domaine particulièrement important est la classification en temps réel de nouvelles observations car le rythme et le volume d’acquisition des données par les grands télescopes et détecteurs modernes n’autorisent plus une analyse visuelle ou manuelle. Dans ce but, les astronomes ont surtout tenté de faire reproduire aux algorithmes nos connaissances (classification dite supervisée), via principalement les réseaux de neurones ou Deep Learning. Cela permet a priori de ranger très rapidement de nouvelles observations dans les classes déjà connues. À la condition d’avoir une base d’apprentissage très large.

Objectifs

L’objectif principal est d’explorer le potentiel de la classification non supervisée, c’est-à-dire la capacité de l’algorithme à construire lui-même sa base d’apprentissage. La classification non supervisée a pour objectif de rechercher des structures dans un espace de données avec n objets et p variables. Ces structures caractérisent soit des similitudes (groupes ou classes) soit des relations comme par exemple des chemins évolutifs. Les premières sont plutôt étudiées par les méthodes statistiques (apprentissage machine - machine learning, fouille de données - data mining), les secondes font appel à la théorie des graphes et sont l’apanage des méthodes phylogénétiques (minimisation de chemin).

Méthodes

Astrocladistique

Initiée en 2001 par Didier Fraix-Burnet, l’astrocladistique est l’utilisation de méthodes phylogénétiques en astrophysique, la cladistique, aussi appelée parcimonie maximum, n’étant que l’une d’entre elles et sans doute la plus générale. Initialement pensée et développée pour l’étude de la diversification des galaxies, l’astrocladistique a été utilisée sur presque tout type d’objets astrophysiques, comme les amas stellaires (globulaires et ouverts), les étoiles et même les satellites de Jupiter et Saturne ou les petits corps du Système Solaire. Pour tout savoir sur l’astrocladistique, rendez-vous sur le web-blog dédié de Didier Fraix-Burnet.

Cladogramme de 14 galaxies naines du groupe Local obtenu avec 24 "caractères" (observables et propriétés dérivées caractérisant des états évolutifs). Les valeurs de bootstrap (en haut) et de l’indice de Bremer (en bas) sont indiquées au niveau de chaque noeud. L’outgroup (SagDig) a été choisi parce qu’il contient la plus faible métallicité, ce qui suggère qu’il est composé de plus de matière primordiale donc supposément plus proche de l’ancêtre commun (cf. Fraix-Burnet et al. 2006). Auteur D. Fraix-Burnet. Licence CC-BY. Crédits images




Interprétation physique de la classification phylogénétique établie à partir d’un millier de galaxies (Fraix-Burnet et al. 2012)

Astrostatistique
L’approche non supervisée que nous mettons en oeuvre se base sur la technique des mélanges de gaussiennes dans un sous-espace latent. Autrement dit, on cherche des groupements de distributions gaussiennes variées non pas dans l’espace des variables, mais dans un sous-espace où ces groupements sont plus nets. L’algorithme utilisé s’appelle Fisher-EM a été développé par Charles Bouveyron et est disponible sous R.
Nous l’avons appliqué à un échantillon de 702 248 spectres optiques de galaxies (provenant du SDSS), chaque spectre contenant 1437 flux monochromatiques. Nous trouvons un optimum de 86 classes, dont les 37 plus importantes couvrent 99% de l’échantillon (Fraix-Burnet et al. 2021). Une première analyse rapide montre la pertinence physique de ces classes dans des diagrammes utilisés classiquement.

Spectres moyens et dispersion pour les 86 classes
Distribution dans le diagramme couleur-magnitude des 86 classes

Julien Dubois a confirmé à partir de spectres simulés la capacité de cet algorithme de découvrir des classes physiquement pertinentes, et il s’attache d’une part à proposer une interprétation fine de chacune des classes du SDSS afin de créer un véritable atlas objectif de spectres de galaxies, et d’autre part à étudier l’évolution de cette classification grâce à des échantillons à plus haut redshift (VIPERS).

Contacts

Didier Fraix-Burnet, Hugo Chambon