Mes premiers travaux de recherche dans le cadre de ma thèse (Dr : Alfred Vidal-Madjar, IAP), puis lors d'un séjour post-doctoral à l'ESO et enfin en poste à Grenoble, ont porté sur l'étude du gaz dans le disque qui venait d'être découvert autour de beta Pictoris. Les variations spectroscopiques tout-à-fait uniques observées nous ont conduits à proposer l'existence « d'exo-comètes » autour de beta Pictoris, des la fin des années 80.
Au cours des années 90, j’ai utilisé les premiers instruments d’optique adaptative, développés à l'Observatoire de Paris et à l'ONERA, permettant d’obtenir des images à la limite de diffraction des télescopes au sol. Avec ces instruments dits de « haute résolution spatiale », installés sur des télescopes « optiques » de 4 mètres de diamètre, ainsi qu’avec le Télescope Spatial Hubble, nous avons pu avec mes étudiants D. Mouillet et JC Augereau réaliser des images très fines de disques planétaires et grâce à elles, modéliser leurs propriétés physiques. La génération suivante d’instruments d’optique adaptative, installée sur les télescopes de la classe de 10 mètres, a permis d'étudier ces disques avec encore plus de détails.
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L'optique adaptative sur les grands télescopes a permis de faire un bond en avant et d’imager les premières exoplanètes. La recherche en imagerie directe d’exoplanètes, sources très faiblement lumineuses situées très près angulairement d’étoiles très brillantes, a imposé (et impose encore) un effort particulier dans la mise au point de protocoles observationnels et d’outils d'analyse des données. Avec mon étudiant de l'époque G. Chauvin, nous avons entrepris au début des années 2000 la recherche systématique de planètes géantes autour des étoiles membres des associations jeunes et proches, qui représentent les cibles plus appropriées pour la détection de planètes avec les instruments d'imagerie actuels ainsi qu’une étude poussée des disques planétaires . En 2004-2005, nous avons en 2004-2005 imagé pour la première fois un corps de masse planétaire (2Mass1207; voir Figure) en orbite autour d’une naine brune. Cette première image a soulevé de nombreuses questions sur les mécanismes de formation des corps de masse planétaire et sur la définition même d’une planète. En effet, 2Mass1207B ne pouvait pas s’être formée de la même façon que les planètes géantes du Système Solaire, c.à.d. par accrétion de gaz sur un noyau rocheux. Il en fut de même pour AB Pic b, objet d’environ 13 Masses de Jupiter que nous avons découverte en 2005, à une distance de 250 AU de son étoile (voir Figure)
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Images de corps de masse planétaire détectés avec NaCo sur le VLT |
Fin 2008, nous avons détecté une planète géante autour de l’étoile β Pictoris, à très faible séparation angulaire de son étoile (qui a rendu cette détection particulièrement délicate et longue). Beta Pic b est à ce jour la planète la plus jeune et la plus proche de son étoile jamais imagée. Cette détection est particulièrement intéressante à plusieurs titres: 1) l'âge de l'étoile étant connu, nous apportons la preuve directe, pour la première fois, qu'une planète géante peut/doit se former en quelques millions d'années; 2) sa distance (estimée entre 8 et 15 AU) et sa masse (6-12 Mjup) expliquent plusieurs des caractéristiques tout à fait uniques du disque de β Pictoris; elles expliquent en particulier une distorsion interne unique que nous avions observée et modélisée avec fin des années 90 avec mes étudiants D. Mouillet puis J.C. Augereau ; 3) à cette distance, les modèles prévoient que cette planète a pu se former par accrétion de gaz sur un noyau rocheux, contrairement aux autres planètes détectées en imagerie (voir Figure).
Nous suivons maintenant l'orbite de beta Pictoris b et une étude précise nous a permis de montrer le lien étroit entre la planète et la forme du disque. Par ailleurs, nous venons de mesurer sa masse dynamique en utilisant des informations de vitesse radiale, ce qui représente le premier cas de planète imagée pour lesquelles nous disposons d’une détermination directe de sa masse, indépendante des modèles d'évolution et des modèles d'atmosphère. Ceci nous permet de montrer que l’un des deux modèles existants aujourd’hui prédisant des observables particulièrement importantes comme la luminosité, la température effective, le rayon en fonction de l’âge et la masse des planètes n'est pas validé dans ce cas d’une planète de quelques millions d’années.
La recherche de planètes en vélocimétrie a été très fructueuse (~500 planètes détectées) depuis la découverte en 1995 de 51 Peg b par les astronomes M. Mayor et D. Queloz ; elle a mis en évidence une diversité des systèmes inattendue et a contraint au développement de nouveaux modèles d'évolution des systèmes planétaires. Limitée pendant longtemps aux étoiles de type solaire pour des raisons techniques, elle ne permet toutefois pas d'explorer la diversité des systèmes en fonction des propriétés de l'étoile centrale. En 2004, j’ai entrepris d’étendre la recherche en vélocimétrie d’exoplanètes autour des étoiles de la séquence principale plus massives que les étoiles de type solaire, de manière à étudier le lien avec la présence de planètes, et leurs caractéristiques en fonction de la masse de l’étoile hôte (il est prédit par exemple que la masse des planètes augmente avec celle de l’étoile parente). J’ai initié en 2004 des recherches systématiques dans les deux hémisphères sur des échantillons d’environ 400 étoiles de type précoce, et les outils nécessaires à leur analyse. A ce jour, nous avons détecté plusieurs exoplanètes/naine brune autour de ces étoiles, parfois actives ou pulsantes. Au-delà des détections, les aspects les plus intéressants de ces recherches sont 1) l'identification de systèmes complexes, que nous ne comprenons pas encore complétement, et 2) l'analyse statistique des limites de détection, que nous commençons maintenant, et les contraintes qu'elle va amener sur les scenarios de formation et d'évolution planétaire.
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L’activité stellaire, que ce soit celle des étoiles de type solaire ou plus précoces, est susceptible de perturber l’analyse des données de vélocimétrie, de photométrie et d’astrométrie. Avec mon étudiant M. Desort, nous avons développé des simulations détaillées de l’impact de taches sur la détection des planètes pour des étoiles de type spectral variant entre A et K, et de v.sin(i) variable entre 0 et plusieurs dizaines de km/s. Il est apparu que des taches peuvent donner des signatures vélocimétriques semblables à celles des planètes; mais aussi que les critères souvent utilisés pour discriminer activité et présence de planètes ne fonctionnent pas toujours.
A partir de ce travail, j'ai initié une étude plus globale, en collaboration avec ma collègue Nadège Meunier, destinée à utiliser au maximum les connaissances très détaillée de l'activité solaire de manière à évaluer la détectabilité d'une exoTerre dans sa zone d'habitabilité autour d'une étoile analogue au Soleil, vue par la tranche. Pour cela, nous avons modélisé complètement les signaux vélocimétrique, photométrique, astrométrique, que produirait l'activité solaire au cours d’un cycle complet, prenant en compte au mieux toutes les observations et connaissances disponibles sur le Soleil. Il ressort de ces études que même avec les instruments de future génération, il ne sera pas possible de détecter en vélocimétrie des analogues à la Terre autour d'analogues au Soleil, présentant un niveau d’activité semblable à celui du Soleil, vues par la tranche, et ce principalement à cause de la convection qui induit des variations de vitesses de plusieurs dizaines de cm/s (à comparer aux 9 cm/s produits par la Terre), sauf si l’on parvient à corriger les données des effets de l'activité solaire. En revanche, lorsque la précision instrumentale sera atteignable, alors il sera plus facile de détecter une exoTerre autour d'un analogue du Soleil en astrométrie. C'est l'objectif du projet NEAT proposé à l'ESA, non retenu en 2011, mais toujours en cours d'étude.
Collaborations: N. Meunier, F Malbet. Etudiant: M Desort.
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