Echanges avec les étoiles

 

Jean-Louis Monin

 

Université Joseph Fourier

Laboratoire d'astrophysique

Observatoire de Grenoble

 

 

 

Conférence donnée à l'occasion de l'assemblée générale de l'IUF à Marseille en mai 2000.

I - Qu'est-ce qu'une étoile ? Paramètres physiques fondamentaux. Diagramme HR. Séquence Principale (SP).

 

II - Qu'est ce que la Séquence principale ? Importance de la masse. Séquence principale = lieu de quasi-équilibre = lieu d'échanges minimum. Considérations sur les sources d'énergie de l'étoile.

 

III - Entrée et Sortie de la Séquence principale. Quand l'étoile échange t-elle le plus ? Géante rouge, nébuleuse planétaire, supernova. Remboursement de l'emprunt au milieu interstellaire.

 

IV - Phase de formation stellaire. Quels problèmes doit résoudre l'étoile pour se former ? Accrétion - Ejection : les tenants et les aboutissants de la formation stellaire. Une petite histoire de la formation stellaire.

 

V - Les échanges entre étoiles dans les jeunes couples stellaires.

 

Introduction

Les étoiles sont les objets fondamentaux de notre univers ; elles en sont les pierres philosophales qui transmutent l'hydrogène primordial non pas seulement en or mais en éléments beaucoup plus précieux que sont les éléments atomiques dont tous les composants et occupants de l'amphithéatre sont constitués.

Le titre "échanges avec les étoiles" peut faire penser à toutes sortes de choses ; par exemple, les étoiles peuvent être une source … d'inspiration ! Je concentrerai l'essentiel de ma présentation sur les aspects physiques des échanges impliquant les étoiles, lesquelles interagissent, échangent avec leur environnement en permanence, mais je dois avouer que je reste sensible - surtout dans une assemblée interdisciplinaire telle que l'IUF- à d'autres types de liens qu'on peut trouver pour nous relier aux étoiles.

Je présenterai rapidement ce qu'est une étoile essentiellement par le biais d'un graphe qui permet de la situer d'un seul coup d'œil, afin d'introduire les diverses périodes de son existence où ses échanges avec le milieu extérieur sont les plus importants. C'est en fait pendant une jeunesse et un "retour d'age" en fin de vie que les étoiles sont les plus actives. Je parlerai assez rapidement -car ce n'est pas mon domaine de recherche- des phases de la fin de vie des étoiles où elles rendent au milieu interstellaire le matériau emprunté après transmutation. Je serai ensuite plus long sur la présentation de quelques résultats récents obtenus en particulier dans mon laboratoire qui concernent la prime enfance des étoiles de type solaire, c'est à dire durant leurs 10 premiers millions d'années. Je parlerai également des jeunes couples stellaires et des divers échanges qui leur sont associés. De nombreux documents ou informations m'ont été fournis par mes collègues de l'équipe travaillant sur la formation stellaire dans mon laboratoire et je les en remercie chaudement. Je conclurai par un rapide résumé d'une petite histoire de la formation des étoiles de type solaire telle que nous l'entrevoyons aujourd'hui, et je me permettrai de présenter un texte ancien qui me tient à cœur et qui reprend de manière époustouflante à mon avis le thème de cette conférence (voir en fin de ce document). Je pense même que c'est le souvenir de ce texte qui m'a amené à proposer cette conférence.

 

 

I - Avant de parler d'échanges avec les étoiles, il est peut-être nécessaire de préciser ce qu'est une étoile. Nous connaissons deux types d'étoiles : soit les petits points blancs balbutiants dans le ciel d'un soir d'été, soit la face jaune enflammée du soleil en plein midi. Aujourd'hui encore il n'y a guère d'intermédiaire : nos instruments sont à la limite d'être trop "myopes" pour voir la surface d'une autre étoile que le soleil. C'est une des quêtes des très grands télescopes et interféromètres actuellement en phase de mise au point.

Avant l'astrophysique, vient l'astronomie ; les grecs avaient entrepris de répertorier les étoiles et Hypparcos a publié un catalogue où les étoiles les plus faibles à peine visible à l'œil nu, étaient de sixième magnitude, les plus brillantes étant considérées de première grandeur, et cette méthode de repérage de l'éclat apparent des étoiles existe encore de nos jours : une étoile plus brillante qu'une autre possède une magnitude plus élevée. Nous avons rationalisé notre "échelle de Richter" des magnitudes stellaires en y plaçant des logarithmes et en nous basant sur des étoiles "standards", mais le principe est resté. Et aujourd'hui Hipparcos est devenu un satellite qui a mesuré la distance à plus de 100.000 étoiles, dans notre proche banlieue galactique qui en compte près d'une centaine de milliards, la carte en trois dimensions du ciel de notre galaxie n'est pas encore pour demain.

Lorsqu'on examine plus en détail une portion du ciel au hasard, on remarque que les étoiles ne sont pas seulement caractérisées par leur éclat apparent mais aussi par leur couleur. La luminosité apparente d'une étoile est une combinaison de la quantité d'énergie qu'elle déverse par seconde dans l'espace autour d'elle et de la distance qui nous en sépare (une étoile brillante mais lointaine pourra avoir la même magnitude qu'une étoile plus faible mais plus proche), et sa couleur nous renseigne sur sa température en surface : une étoile chaude nous apparaîtra bleue, une étoile froide nous apparaîtra rouge. Certaines "étoiles" très peu massives sont même appelées "brunes". Non seulement luminosité et température sont des observables, des paramètres que l'on peut mesurer directement mais ils peuvent nous apporter des informations essentielles sur les étoiles concernées. Par exemple, une combinaison simple de L et T nous donne le rayon de l'étoile. Evidemment, pour "sonder" l'intérieur de l'étoile, on utilise souvent un modèle, mais on impose que les résultats "en surface" correspondent aux observables. On utilise très souvent L et T pour placer l'étoile dans un diagramme qui porte le nom de ses inventeurs, Hertzsprung et Russel, diagramme "HR" pour les intimes. Ce diagramme est un outil fondamental pour la physique stellaire. Un de ses grands avantages, du point de vue d'un observateur par exemple, c'est justement qu'il est tracé en fonction des paramètres observables de l'étoile. Un premier enseignement du diagramme HR est que lorsqu'on y place les étoiles, on s'aperçoit alors qu'elles ne se situent pas au hasard dans ce diagramme. Elles occupent des positions ou des séquences de positions, particulières qui sont toujours les mêmes. La plus importante de ces séquences, celle sur laquelle on retrouve la majorité des étoiles s'appelle la Séquence Principale.

 

II- Voilà pour les apparences. Maintenant, qu'est ce physiquement qu'une étoile ? Une grosse boule de gaz chaud en équilibre sous l'effet de sa propre masse, un système autogravitant. La masse joue un très rôle dans la vie d'une étoile, un rôle primordial, même. C'est la masse de l'étoile qui est le paramètre clé dont il faut bien soupçonner l'existence puisque la séquence principale est une ligne relativement mince dans le diagramme HR (ligne = une dimension = un paramètre). Les étoiles peu massives brillent peu et restent froides en surface (3000 K) tandis que les étoiles massives brillent énormément et se trouvent portées à des températures de surface dépassant 30000 K. On a coutume de dire que la source d'énergie des étoiles est l'énergie nucléaire de fusion de l'hydrogène en hélium, mais sans l'action initiale de la gravitation qui comprime le gaz interstellaire, ces réactions de fusion ne démarreraient pas. Certaines "étoiles" qui ne parviennent pas à rassembler toute la masse nécessaire à ce démarrage, ne sont pas des étoiles stricto sensu, plutôt un intermédiaire entre étoile et planète, et deviennent ce que l'on appelle des naines brunes. De même, c'est la masse de l'étoile qui détermine son destin en fin d'existence. L'activité de fusion au centre de l'étoile est la source de son état d'équilibre sur la Séquence principale, mais d'un point de vue global, l'étoile y est plutôt en quasi-équilibre puisqu'elle perd de l'énergie lumineuse (4 1026 Watts pour le soleil) et de l'énergie mécanique sous la forme de particules, ce qu'on nomme le "vent solaire". Ces pertes d'énergies sont compensées par la lente transformation au sein du soleil de l'hydrogène en hélium, et l'étoile se trouve alors "vissée" à sa place sur la Séquence principale. C'est l'activité de fusion nucléaire au centre de l'étoile qui la fixe sur la Séquence Principale, mais c'est sa masse qui détermine à quelle position elle est placée : c'est elle qui fixe le scénario, qui frappe les trois coups et lance l'action, puis elle passe en coulisse jusqu'à ce qu'elle revienne en scène à la fin de la pièce. Une étoile plus massive sera capable d'écraser plus fortement les couches internes de sa structure et d'imposer au centre une pression et une température plus fortes, conditions physiques qui maintiendront une activité de fusion plus importante. L'étoile brûlera alors plus vite son combustible, l'hydrogène, et de manière non linéaire : une étoile 10 fois plus massive vivra près de 100 à 1000 fois moins longtemps (on ne peut pas être et avoir été…). C'est ainsi que les premiers signes de formation stellaire dans une galaxie extérieure sont l'existence de zones où l'on trouve des étoiles bleues très brillantes (faciles à détecter !), donc très massives, … donc très jeunes.

 

Dans la phase de sa vie sur la Séquence principale, les échanges de l'étoile avec son environnement sont les moins importants. C'est le cas par exemple de notre soleil qui est actuellement à mi-vie (5 milliards d'années sur une espérance de vie de 10 milliards). Cependant ces échanges existent, on en perçoit évidemment les effets en termes de lumière et de chaleur, mais aussi autrement : au printemps 2000, l'activité solaire est à son maximum, et de grandes boucles de plasma se détachent de la surface solaire pour venir interagir avec le champ magnétique terrestre et causer, outre de spectaculaires aurores boréales, des dégâts possibles pour les satellites en orbite. Si on s'intéresse à la météo solaire, on peut consulter le site spaceweather.com, qui donne l'aspect du soleil jour après jour.

Qui emploie le terme de 'vie' suppose implicitement que cette existence a eu un début et aura une fin. C'est effectivement le cas, l'échange avec les étoiles se déroule également dans le temps. Depuis que l'homme est apparu sur terre, des étoiles de plus de dix fois la masse du soleil sont nées et sont mortes, la plupart en supernovae. Cette durée de vie finie est d'ailleurs une des solutions au fameux paradoxe d'Olbers-Chéseaux, qui s'étonne que la nuit soit noire (si les étoiles sont en nombre infini et sont éternelles, le ciel devrait nous apparaître uniformément brillant comme la surface d'une étoile). Il est surprenant et réjouissant que cette partie de la solution (les étoiles naissent et meurent et ne peuvent donc briller éternellement) ait été proposée par le poète Edgar Allan Poe au 19e siècle dans son essai Eureka. Si le ciel nous apparaît noir, c'est parce que la lumière des étoiles, quand elle nous parvient, ne subsiste que pendant leur durée de vie, infiniment plus courte que celle qui serait nécessaire pour couvrir le fond de ciel d'étoiles : "… would be by supposing the distance of the invisible background so immense that no ray from it has yet been able to reach us at all".

Il se trouve que les étoiles ont une enfance et une vieillesse agitées, alors que leur age mûr est relativement calme. C'est donc plutôt avec des étoiles jeunes ou très vieilles que les échanges sont les plus intéressants.

 

III- Lorsque l'étoile a épuisé son "premier" combustible, l'hydrogène, sa masse reprend ses droits, et sans l'apport d'énergie au centre, l'étoile reprend son mouvement de contraction entamé à sa formation et temporairement interrompu par les réactions nucléaires. Les conditions physiques au centre deviennent plus "dures" et l'étoile entame sa remontée de la table périodique des éléments, en commençant par le carbone et l'oxygène puis d'autres éléments plus lourds, dans une proportion qui dépend de la masse de l'étoile. Les étoiles massives mais pas trop (5 fois la masse du soleil), fabriqueront surtout du carbone et de l'oxygène et termineront leur existence sous forme de naine blanche entourée d'une nébuleuse planétaire (ainsi appelées car elles ont une forme étendue plutôt sphérique avec de jolies couleurs). Les étoiles vraiment massives (plusieurs dizaines de fois la masse du soleil) fabriqueront des éléments plus lourds comme le magnésium, le silicium et ainsi de suite jusqu'au fer, et termineront leur existence en supernova. Il est ici important de réaliser que pour briller pendant 10 milliards d'années, le soleil ne perd que moins de 1 pour mille de sa masse, et toutes les étoiles font de même, à leur échelle. Les chiffres nous impressionnent : le soleil transforme ("brûle") 600 millions de tonnes d'hydrogène par seconde et perd sous forme lumineuse 4.2 millions de tonnes de masse nette par seconde, mais rapportés à la masse totale du soleil (2 milliards de milliards de milliards -1027- de tonnes), ils sont insignifiants et on peut pratiquement considérer que les étoiles fonctionnent à masse constante.

L'étoile est la pierre philosophale de l'univers, son travail consiste essentiellement à transmuter les éléments légers en éléments de plus en plus lourds ; de ce point de vue, la production de lumière est un produit dérivé dans cette opération. Ces éléments lourds sont ensuite rendus au milieu interstellaire dont l'étoile est issue, en l'enrichissant en carbone, oxygène, silicium, métaux, etc., qu'on retrouve sous forme de poussières (des grains de la taille du micron). L'étoile rembourse ainsi l'emprunt contracté quelques millions ou milliards d'années auparavant, avec des intérêts fabuleux : avec ces grains de poussière, les étoiles des générations suivantes dont on observe aujourd'hui la formation, s'entourent de disques de matériau au sein desquels on pourrait fort bien trouver des planètes.

 

IV- Lorsqu'une étoile se forme, c'est souvent dans une espèce de pouponnière - il est très rare de trouver une jeune étoile isolée, elles se forment plutôt en amas -, et là, elle emprunte le matériau nécessaire à sa construction. Emprunt qu'elle gère d'ailleurs assez bien, puisque plus la masse de l'étoile est importante et plus tôt elle remboursera sa dette au milieu interstellaire.

Dans sa prime jeunesse (les 10 premiers millions d'années pour une étoile comme le soleil, sur les 10 milliards que durera son existence, l'équivalent du premier mois de la vie d'un humain), la luminosité et la température de surface de l'étoile varient de manière importante, l'étoile "voyage" dans le diagramme HR.

Les premières phases de la formation d'une étoile sont invisibles à l'œil nu. C'est dans le domaine des ondes radio qu'on observe la contraction des masses de gaz interstellaire qui s'effondrent lorsque la gravité l'emporte sur les autres grandeurs physiques (agitation thermique, champ magnétique, turbulence) du milieu ambiant ; on dit que la future étoile dépasse la masse de Jeans. Dans cette phase de la formation et jusqu'à la Séquence principale, lorsque les réactions nucléaires s'allumeront quelques dizaines de millions d'années plus tard, l'énergie de l'étoile est entièrement dominée par la gravitation. La chute du gaz sur une masse centrale peut dégager une énergie parfois plus importante que celle dégagée par l'astre, et par ailleurs, celui-ci ne brille "que" parce qu'il est chaud.

 

Un des principaux problèmes que doit résoudre l'étoile en effondrement est l'augmentation de la force centrifuge à mesure que sa vitesse de rotation augmente. Comme un patineur qui replie les bras, la contraction de l'étoile l'amène a accélérer, par conservation du moment cinétique. Le moment cinétique est une grandeur cruciale à échanger avec le milieu extérieur si l'étoile veut réussir sa formation. Pour ne pas se retrouver avec des vitesses à l'équateur qui la ferait exploser, l'étoile doit échanger du moment cinétique contre de la masse. Dans le système solaire, l'opération a particulièrement bien réussi, puisque 99.9% de la masse est dans le soleil et 97% du moment cinétique est dans les planètes, essentiellement dans Jupiter. Il existe une machine à échanger du moment cinétique contre de la matière, et qui s'appelle le disque d'accrétion. Dans un disque dont tous les composants sont en orbite Képlerienne autour de l'étoile centrale, la rotation différentielle des différentes parties du disque amène les anneaux adjacents à "frotter" les uns contre les autres, freinant l'anneau interne, accélérant l'anneau externe, amenant la masse au centre vers l'étoile et expulsant le moment cinétique vers les zones extérieures. L'idée de l'existence d'un disque protoplanétaire pour expliquer la formation du système solaire n'est pas neuve puisqu'elle remonte à Kant et Laplace, mais la description du disque d'accrétion pour échanger moment cinétique contre masse date des années 1970. L'existence de tels disques autour d'étoiles en formation a été soupçonnée depuis près d'une vingtaine d'année, essentiellement sur la base de la forme de la distribution d'énergie de la source en fonction de la longueur d'onde, la présence d'un disque d'accrétion plus froid que l'étoile générant un excès d'émission infrarouge par rapport à ce qu'on attendrait de l'étoile centrale. Les progrès récents de l'optique adaptative sur les grands télescopes et le lancement du télescope spatial nous ont permis -enfin !- d'obtenir des images directes de ces disques.

L'accrétion de matière sur l'étoile dans ses langes de poussière s'accompagne d'un autre phénomène d'échange assez inattendu : l'étoile rejette par ses pôles ce qu'elle reçoit par l'équateur. Historiquement d'ailleurs, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, c'est par la signature de ces éjections de matière gigantesques que les sites de formation d'étoiles -autrement dit d'accumulation de matière- sont en premier lieu détectés. On connaît de tels flots qui s'étendent sur des années-lumières de distance ! D'autres sont plus réduits mais c'est un résultat acquis aujourd'hui que accrétion et éjection sont concomitants dans le phénomène de formation d'étoile, les tenants et aboutissants de la formation stellaire en quelque sorte… Evidemment l'étoile n'expulse pas toute la matière qu'elle accrète, mais une proportion non négligeable cependant. L'origine de cette éjection n'est pas entièrement élucidée aujourd'hui. On sait par ailleurs qu'elle intervient, et avec force, dès les toutes premières phases de la contraction stellaire. De même que les mécanismes d'échange du moment cinétique doivent intervenir très tôt dans le processus.

Les modèles les plus convaincants utilisent le champ magnétique et la rotation képlerienne dans le disque pour éjecter du matériau ionisé le long des lignes de champ. Il est cependant encore difficile de dire d'où provient exactement le jet de matière ionisée, car les observations les plus fines actuelles ont une résolution de l'ordre de 0.1 à 0.2 seconde d'arc (1/3600e de degré), ce qui à la distance où on traque les étoiles en train de se former, correspond à peu près à l'orbite d'Uranus.

 

V- Une autre façon de résoudre le problème du moment cinétique dans un nuage en rotation qui souhaiterait s'effondrer est de former une paire d'étoiles en rotation mutuelle au lieu d'une seule. On savait depuis longtemps qu'une bonne moitié d'étoiles sur la Séquence principale étaient doubles mais c'est un résultat très récent de montrer que l'immense majorité, sinon toutes les étoiles en formation, sont doubles ou multiples d'ordre supérieur à deux. A peine utilise t-on un nouvel instrument possédant une meilleure résolution qu'on découvre que des étoiles auparavant supposées simples, sont en fait des doubles. On n'osera bientôt plus utiliser des étoiles de calibration ponctuelles ! On pense aujourd'hui que les binaires se forment dans les amas (comme la plupart des étoiles) mais selon la densité initiale de l'amas, les rencontres entre systèmes sont plus ou moins fréquentes et si l'amas est très dense, un plus grand nombre de couples vont être rompus, conduisant à la plus faible proportion de binaires observée 100 millions d'années plus tard sur la Séquence principale. En fait, il nous faut comprendre deux choses à la fois : les étoiles se forment toujours par deux, et elles sont entourées d'un environnement circumstellaire complexe, donc 2 fois plus complexes quand elles sont deux. Par exemple, en plus des "habituels" disques circumstellaires, il se forme une structure circumbinaire. On soupçonnait l'existence de ce genre de structure car on s'est aperçu, dans les 3 ou 4 dernières années, que les composantes d'une même paire évoluaient de concert : lorsqu'une perdait son disque, l'autre faisait de même (autrement dit on observait très peu de "mariages mixtes"). Le premier disque circumbinaire a été observé directement dans le domaine des ondes radio, grâce à l'interféromètre de l'IRAM à Grenoble. Par la suite, des images en infrarouge ont été obtenues grâce à l'optique adaptative et au télescope spatial. Le fonctionnement général des échanges de matériau dans la structure disque circumbinaire / disques circumstellaires / étoiles, est décrit par certains modèles récents : à partir du disque CB, le matériau tombera sur l'une ou l'autre étoile et son disque CS de la paire selon que le moment cinétique du matériau environnant est plus ou moins bien ajusté à celui de telle ou telle composante. Avec beaucoup de mouvement de rotation, le matériau aura tendance à tomber sur la composante secondaire, en orbite autour du centre de masse du système (proche du composant le plus massif). En étudiant quelle étoile accrète le plus, on peut ainsi remonter indirectement aux propriétés physiques du milieu environnant dans lequel s'est formé l'étoile double.

Si chaque étoile de la paire possède un disque, une information supplémentaire sur la répartition du moment cinétique dans le nuage initial peut être apportée en étudiant comment ces disques sont orientés l'un par rapport à l'autre. Selon le modèle adopté, on peut former des systèmes avec des disques parallèles mais pas dans le même plan, coplanaires, ou d'orientation aléatoire. Nous avons conduit une telle étude en nous appuyant sur des mesures de la polarisation de la lumière. De nombreux biais existent dans une telle détermination car le milieu interstellaire situé entre les étoiles et l'observateur, polarise également la lumière. Les premiers résultats tendent à montrer une préférence pour des disques alignés, mais l'enquête est en cours !

 

Pour conclure de manière incomplète, que croit-on savoir de la formation des étoiles de faible masse (comme le soleil) et que pense-t-on ne pas savoir ? On sait que les étoiles se forment par contraction gravitationnelle dans les nuages interstellaires. De manière systématique, le système en effondrement prend rapidement la forme d'un disque avec une concentration centrale, la matière tombant plus facilement sur les bords du disque avant de spiraler vers l'étoile. Dès les premières phases de la formation de l'étoile, ce disque est associé à un phénomène d'éjection par les pôles. On ne connaît pas encore de manière fine la structure interne des disques d'accrétion et on ne sait pas encore avec certitude d'où provient le jet de matière éjecté. On pense que les disques survivent au moins un million d'années, et qu'ils contiennent suffisamment de masse en gaz et matériaux plus lourds pour construire toutes les planètes du système solaire, mais on n'en a pas encore observé autour d'étoiles jeunes, alors qu'on commence à en détecter un certain nombre autour d'étoiles de la Séquence principale. On vient d'ailleurs de confirmer une détection par "effet recul" grâce à l'observation d'un transit planétaire devant l'étoile centrale.

On sait également que les étoiles se forment quasiment toujours par deux (ou plus) mais on n'a pas encore une vision claire de la structure du milieu CS et CB dans ces systèmes doubles, en tout cas pour les systèmes serrés. De plus, de manière générale, les disques sont très difficiles à voir directement si le système n'est pas orienté par la tranche. On sait que les étoiles doubles évoluent de manière simultanée mais on n'est pas encore certain de comprendre complètement pourquoi, plusieurs explications sont possibles. Enfin, on ne connaît pas encore de planètes autour d'étoiles jeunes, il y a toujours un "chaînon manquant" entre les disques de poussières et les planètes autour d'étoiles sur la séquence principale. On attend beaucoup de l'association des très grands télescopes de 8-10 m de diamètre et des techniques utilisant l'optique adaptative pour sonder les systèmes en formation avec encore plus de détails et mieux comprendre les échanges des étoiles jeunes avec leur environnement.

 

 

Poussière d'étoile au 17e siècle ?

 

Allez tranquillement parmi le vacarme et la hâte et souvenez-vous de la paix qui peut exister dans le silence. Sans aliénation, vivez autant que possible en bons termes avec toutes personnes. Dites doucement et clairement votre vérité ; et écoutez les autres, même le simple d'esprit et l'ignorant ; ils ont aussi leur histoire. Evitez les individus bruyants et agressifs, ils sont une vexation pour l'esprit. Ne vous comparez avec personne : vous risqueriez de devenir vain ou vaniteux. Il y a toujours plus grand et plus petit que vous. Jouissez de vos projets aussi bien que de vos accomplissements. Soyez toujours intéressé à votre carrière, si modeste soit-elle ; c'est une véritable possession dans les prospérités changeantes du temps. Soyez prudents dans vos affaires ; car le monde est plein de fourberies. Mais ne soyez pas aveugles en ce qui concerne la vertu qui existe ; plusieurs individus recherchent les grands idéaux ; et partout la vie est remplie d'héroïsme. Soyez vous-même. Surtout n'affectez pas l'amitié. Non plus ne soyez cynique en amour, car il est en face de toute stérilité aussi éternel que l'herbe. Prenez avec bonté le conseil des années, en renonçant avec grâce à votre jeunesse. Fortifiez une puissance d'esprit pour vous protéger en cas de malheur soudain. Mais ne vous chagrinez pas avec vos chimères. De nombreuses peurs naissent de la fatigue et de la solitude. Au delà d'une discipline saine, soyez doux avec vous-même. Vous êtes un enfant de l'univers, pas moins que les arbres et les étoiles ; vous avez le droit d'être ici. Et qu'il vous soit clair ou non, l'univers se déroule sans doute comme il le devrait. Soyez en paix avec Dieu, quelle que soit votre conception de lui, et quels que soient vos travaux et vos rêves, gardez dans le désarroi de la vie, la paix dans votre âme. Avec toutes ses perfidies, ses besognes fastidieuses et ses rêves brisés, le monde est pourtant beau. Prenez attention. Tachez d'être heureux.

 

Trouvé dans une vieille église de Baltimore en 1692. Auteur inconnu.