Jean-Louis Monin
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Avant propos
Cette conférence a été réalisée au Laboratoire d'Astrophysique de Grenoble, où l'étude de la formation stellaire est un domaine de recherche très actif.
Elle a été donnée pour la première fois lors du cycle de conférences de l'Institut universitaire de France en 1998.
Introduction : qu'est-ce qu'une étoile ?
A première vue, le ciel constellé d'étoiles semble quelque chose d'immuable. Et pourtant les étoiles connaissent une naissance, un long age mûr puis disparaissent, tout ceci parfois en seulement quelques millions d'années, si elles sont suffisamment massives. A l'échelle de la planète Terre, de l'apparition de la vie sur Terre et de l'existence même de l'homme, l'existence d'une étoile peut donc être une expérience très courte. Ce n'est (heureusement !) pas le cas du soleil qui est une étoile très moyenne et dont l'existence durera encore autant qu'elle a déjà duré, c'est à dire près de 5 milliards d'années.
Avant de parler de formation d'étoile, il est peut être nécessaire de rappeler rapidement ce qu'est une étoile. Une étoile, comme notre soleil est une grosse boule de gaz chaud. La température du soleil (environ 6000 degrés en surface) explique pourquoi il brille et pourquoi il a une couleur qui nous apparait jaune, de la même manière que du charbon froid ne brille pas et est noir, tandis que du charbon chaud brille et apparait jaune-rouge. Le gaz du soleil et des étoiles est composé à 90% d'hydrogène et 10% d'Helium, les deux éléments les plus légers de la table de classification périodique des éléments et qui constituent l'essentiel de notre univers. Dans la phase de son âge mûr, une étoile comme le soleil connait en son centre des réactions de fusion nucléaire qui transforment l'hydrogène en Helium et ce faisant, fournissent de l'énergie qui la maintient en état d'équilibre et lui permet de vivre 10 milliards d'année environ sur ses réserves. Mais, et c'est ce qui arrive en particulier au départ, lorsque l'étoile commence à se former, si ces réactions nucléaires n'avaient pas lieu, l'étoile brillerait quand même (bien que moins longtemps). Par exemple, si aujourd'hui les réactions nucléaires cessaient au centre du soleil, nous ne nous en apercevrions pas avant 30 millions d'années. Si ses réactions nucléaires s'arrêtaient, le soleil recommencerait son mouvement d'effondrement amorcé il y a 5 milliards d'années, ce qui lui procurerait de l'énergie qu'il perd en brillant.
La première source d'énergie d'une étoile (dans le temps en tout cas, et dans le principe d'une certaine façon) est donc l'action de la gravitation sur la masse énorme de gaz qui est en jeu. Lorsque l'étoile se forme, on assiste à la compression de l'Hydrogène qui la forme, et cette compression chauffe l'étoile qui se met alors à briller. On peut montrer que l'action de la gravitation lors de la chute d'une particule de gaz sur un objet massif comme le soleil, peut libérer une énergie qui n'est pas négligeable devant l'énergie libérée dans une réaction nucléaire.
Luminosité et température des étoiles
Il y a évidemment de nombreux paramètres physiques permettant de caractériser une étoile mais certains sont plus déterminants que d'autres. On a pris l'habitude de placer les étoiles dans un diagramme qui porte en abscisse la température de la surface de l'étoile et en ordonnée sa luminosité (la quatité d'énergie qu'elle envoie dans l'espace chaque seconde). Un fait remarquable de la physique des étoiles est qu'elles ne se placent pas au hasard dans ce diagramme mais plutot le long d'une courbe qu'on appelle la séquence principale (SP). C'est sur cette courbe qu'elles passent la plus longue partie de leur existence, en train de transformer leur Hydrogène en Hélium. Plus une étoile est massive et plus elle sera chaude et lumineuse, c'est à dire située sur un point élevé de la SP. On sait aujord'hui que les étoiles ont des masses situées entre un dixième de masse solaire et quelques dizaines de masses solaires Il se trouve que la luminosité d'une étoile est proportionnelle au cube de sa masse, de telle sorte que plus une étoile sera massive, moins elle vivra longtemps. Ainsi, des étoiles très massives (plus de 10 fois la masse du soleil) seront extrêmement lumineuses et ne pourront survivre que quelques millions d'années à peine.
Signes de jeunesse des étoiles
Un des signes de jeunesse des étoiles est justement l'existence d'étoiles bleues très lumineuses (donc faciles à observer !) qui ne peuvent pas avoir plus de quelques millions d'années et qui, à l'échelle de l'âge de la galaxie ou de la terre sont très jeunes ! Sur les images de galaxies extérieures à la notre, on peut observer des points roses-rouges qui sont la trace de l'Hydrogène ionisé par le intense et très énergétique des étoiles massives récemment formées. Ces étoiles très massives dégagent une énergie phénoménale et ne permettent ainsi pas à leur environnement de se stabiliser. D'une certaine manière, elles ont à peine fini de se former qu'elles explosent déjà en supernova ! Et si la formation de planètes était possible dans l'environnement de telles monstres, la vie n'aurait pas le temps de s'y développer. On s'intéressera dans la suite de cette conférence à des étoiles de type solaire qui ont un développement plus compatible avec le développement de planètes.
Qu'y a t-il entre les étoiles ?
Contrairement à ce qu'on pourrait croire, l'espace entre les étoiles n'est pas vide ; il existe dans la galaxie d'énormes quantités de gaz et de poussières (rassemblant parfois plusieurs milliers de fois la masse du soleil) rassemblés dans des "nuages". Dans ces nuages interstellaires, essentiellement composés de molécules d'hydrogène, la matière est à l'équilibre entre sa tendance à l'effondrement sur elle-même, du fait de sa masse énorme, et sa tendance à la dispersion du fait de l'agitation des molécules du gaz (due à la température de ce gaz).
Où les étoiles se forment-elles ?
Les étoiles se forment dans ces nuages moléculaires qui sont de vastes étendues de molécules de gaz hydrogène H2, comptant jusqu'à des milliers de masses solaires. Lorsqu'on regarde une zone étendue d'une galaxie, on remarque souvent, au milieu des "champs d'étoiles", des zones obscures. Ces zones ne marquent pas une absence d'étoiles mais plutôt la présence de matériau sombre placé entre le fond des étoiles et l'observateur. C'est à l'intérieur de ces globules de gaz et de poussière que se forment les étoiles. Il peut arriver que les conditions physiques changent localement et que le nuage cesse d'être à l'équilibre. Ce changement peut être causé par le passage d'une onde de sur-densité à l'échelle de la galaxie (celles qui forment les bras spiraux), ou l'explosion d'une supernova proche, ou même l'augmentation de pression due à la naissance d'une première vague d'étoiles qui en entraine une deuxième dans son "sillage".
Petit scénario pour une star
La formation d'une nouvelle étoile commence par l'effondrement massif d'une partie du nuage moléculaire auquel elle appartient. Pendant une première phase, elle va rester somme toute très froide et ne pourra être observée que dans le domaine des ondes radio ou infrarouges. Il vient enfin un moment où l'étoile devient visible alors que les réactions nucléaires ne se sont pas encore déclenchées en son centre, et sa source d'énergie provient encore uniquement de la contraction du gaz qui la constitue. Elle entre dans une phase appelée "T Tauri".
Pourquoi les étoiles ont-elles la masse qu'elles ont ?
Parce que si elles sont trop peu massives, elles se contractent sans pouvoir atteindre les températures qui permettent l'allumage des réactions nucléaires qui leur permettront de lutter contre l'action de la gravitation tout en brillant significativement, et si elles sont trop massives, elles vont devenir très lumineuses et la pression de radiation sur le matériau environnant sera telle qu'elle l'empêchera de tomber sur l'étoile et d'augmenter encore sa masse. Lorsqu'on compte les étoiles en fonction de leur masse dans la galaxie, on s'aperçoit que les étoiles les plus nombreuses sont les étoiles de faible masse : de un tiers à une fois la masse du soleil. Notre étoile est donc une étoile très moyenne.
Les étoiles patineuses, ou le problème du moment cinétique
C'est un phénomène connu qu'un patineur qui tourne en repliant ses bras sur lui même accélère sa rotation. Ce phénomène est du à la conservation d'une quantité appelée moment cinétique. Un des problèmes que doit résoudre l'étoile en formation est justement de pouvoir rassembler le gaz environnant, en rotation, en une boule dense, sans accélérer indéfiniment sa rotation. Or tout tourne dans une galaxie, à commencer par la galaxie elle-même ! Etant en rotation, la matière du nuage s'effondre préférentiellement le long de l'axe de sa rotation et la structure obtenue alors est aplatie, en forme de disque. Dans le même temps, on observe que la jeune étoile et son disque ejectent de la matière le long de l'axe du système. Le fonctionnement de ce système disque+jet est encore mal compris, même si on sait maintenant que les deux sont liés et permettent très probablement à l'étoile de résoudre son problème de moment cinétique. De plus, ce disque de gaz et de poussière est le lieu où peuvent se former des planètes autour de l'étoile centrale. Autour de notre soleil, d'ailleurs, on appelle "système solaire" l'ensemble des planètes qui tournent autour. Dans le système solaire, l'ensemble de la masse (99.9%) est dans le soleil tandis que l'ensemble du moment cinétique (97%) est dans les planètes (principalement dans jupîter) : le soleil a su se débarasser de son moment cinétique et se contracter sans accélérer sa rotation outre mesure.
Comment voir les étoiles se former ?
La science de la formation stellaire a fait de grands progrès depuis peu d'années. L'observation d'une étoile jeune nécessite l'utilisation de techniques disponibles depuis peu. Ainsi, les étoiles jeunes étant souvent enfouies dans des globules opaques de gaz et de poussière, il a fallu attendre de disposer de détecteurs infrarouges et radio qui permettent de sonder la poussière pour pouvoir les "voir" en détail car les ondes infrarouges et radio traversent le milieu interstellaire et circumstellaire plus facilement que la lumière du visible. De plus, pour observer l'environnement proche d'une étoile nouvellement formée, il faut disposer d'une résolution très fine, permettant de distinguer de fins détails. On dispose depuis peu de systèmes d'optique adaptative qui permettent de s'affranchir du flou imposé par la turbulence atmosphérique ; on a envoyé en orbite le télescope spatial ; on a construit de grands radio-télescopes. C'est ainsi qu'on a pu voir directement la poussière qui se trouve en orbite autour des étoiles en train de se former : des nébuleuses qui sont peut-être l'équivalent de la nébuleuse protosolaire dans laquelle les planètes du système solaire se sont formées il y a 5 milliards d'années.