La naissance des découvertes en Astronomie

Conférence de l'Observatoire de Grenoble

Jean-Louis Monin Octobre 1997

Avant-propos

Cette conférence a été écrite initialement dans le cadre d'un cycle consacré au thème des naissances -de l'univers, des étoiles, de la vie- en astronomie. Elle a de plus été donnée un 1er avril, avec l'idée de parler de certaines vraies-fausses découvertes et/ou surprises de l'astronomie. Elle se présentait sous forme de transparents, sans texte officiel de liaison, et ce document se veut un peu un texte "définitif" de cette conférence. J'ai voulu éviter deux écueils qui à mon avis guettent ce type de présentation : d'une part une énumération fastidieuse des découvertes en astronomie même si certaines sont amusantes, et d'autre part une analyse synthétique mais trop technique, des mécanismes qui ménent à la découverte. Vous me direz à la fin si j'ai réussi dans mon entreprise. Finalement, l'histoire des découvertes en astronomie, c'est celle de la découverte du monde qui nous entoure, du monde au sens large puisqu'a priori les astronomes essayent d'explorer l'univers entier.

Introduction

Comment se déroulent les découvertes en astronomie ? Cette question pourrait s'adresser à n'importe quel domaine des sciences en général et de la physique en particulier. En toute rigueur, c'est même la question de base qu'il faut se poser lorsqu'on est chercheur ou administrateur de la recherche afin de maximiser le rendement de son travail ! Je n'aborderai peut-être pas cet aspect de la question mais j'essaierai de montrer quelle différence on peut trouver entre les découvertes en physique et en astrophysique, qu'est-ce qui fait que l'astrophysique mérite en quelque sorte un traitement à part. De même, on pourra préciser quelle différence on entend entre l'astronomie et l'astrophysique. On abordera quand même un petit historique des découvertes en astronomie pour mettre en valeur les. points importants qui caractérisent ces découvertes, voire qui les favorisent. L'étude du déroulement d'une découverte particulière, la loi de la gravitation par Newton, revisitée ensuite par Einstein, permettra d'approcher d'un peu plus près les rouages d'une découverte et d'en sentir les limites. Ils existe aussi de célèbres exemples de découvertes faites par hasard, ou alors qu'on cherchait tout autre chose, ou bien des exemples de découvertes de phénomènes qu'on connaissait déjà mais sans les avoir "reconnus". Et il y a les inévitables bourdes plus ou moins amusantes, dont on pourra également parler. Enfin, on pourra s'interroger sur le nombre de découvertes qui nous restent à effectuer en astronomie, et prolonger cette conférence par la discussion provoquée, j'espère, par les questions.

Physique et Astrophysique, l'univers : un laboratoire inaccessible

La principale différence que l'on peut trouver entre les découvertes en astrophysique et les découvertes dans d'autres sciences (physique, chimie, etc.) est que les astronomes ne peuvent pas se rendre dans "leur" laboratoire pour effectuer tel ou tel réglage et observer quelle en sera la conséquence : les seules informations dont nous disposons nous parviennent (sous diverses formes) des astres du restant de l'univers et nous en sommes réduit en quelque sorte, à explorer l'inaccessible. Il y a un bémol à cette affirmation qui concerne évidemment les explorations lunaires et les expériences programmées sur les sondes qui ont visité Mars, mais cela concerne une sphère très limitée, plus petite que le système solaire, et quand on la compare aux dimensions intergalactiques, cela représente finalement peu de chose devant le principe même de la contrainte de base que rencontre tout astronome. Et même si on peut y aller, on ne pourra de toute façon jamais comprimer la lune ou la chauffer pour voir comment elle réagit. L'astronome, l'astrophysicien en est réduit à analyser l'information que l'univers veut bien lui faire parvenir. Cette information arrive sous différentes formes qu'on peut rassembler en 5 catégories.

Les cinq messagers de l'information

L'informations en provenance du reste de l'univers nous parviens aujourd'hui sous cinq formes différentes.


* Les photons sont des particules associées aux ondes électromagnétiques que sont la lumière, les ondes radio que tout le monde connait, mais aussi les rayons X, les rayons gamma ([gamma]) qui sont beaucoup plus énergétiques et qui sont arrêtés par l'atmosphère. C'est ainsi que pour étudier ces deux derniers types de rayonnement, il a fallu attendre de disposer de fusées et de satellites pour aller les mesurer au delà de l'atmosphère terrestre. Si j'ai dis qu'on connaissait "aujourd'hui" 5 types de vecteurs de l'information, c'est parce que pendant très longtemps, on n'en connaissait qu'un : la lumière visible à l'oeil nu. On appelle "le visible" le domaine de longueurs d'ondes situé en gros entre 0.4 et 0.8 microns de longueur d'onde (un micron représente un millionième de mètre), et auquel notre oeil est sensible. En deça se situent les ultra-violets (UV), au delà se trouvent les infra-rouge (IR). Les termes infra et ultra se rapportent à la quantité d'énergie transportée par le rayonnement concerné : certains UV bronzent et même brûlent, alors que les IR se contentent de chauffer. Les photons sont encore actuellement notre principale source de renseignement sur l'univers et ils nous parviennent des parties les plus lointaines de l'univers connu.


* Nous recevont également sur terre des particules encore plus énergétiques qu'on appelle rayons cosmiques et qui sont en fait des particules, protons, neutrons et électrons (les constituants de base des atomes) qui nous sont essentiellement envoyés par le soleil dans ce qu'on appelle le vent solaire. Le soleil émet beaucoup de lumière et un peu de matière, cette matière c'est le vent solaire. Ces particules n'arrivent pas directement jusqu'au sol mais interagissent avec l'atmosphère pour générer des gerbes de particules secondaires que l'on détecte.


* Viennent ensuite les météorites. Ce sont de petits ou de moins petits cailloux qui nous viennent du système solaire. Ils nous renseignent sur la composition chimique du système solaire, sur les conditions physiques qui y règne, sur la façon dont il s'est formé. A ces météorites peuvent s'ajouter les échantillons de roche ramenés de la lune. Aujourd'hui il est probable que les météorites proviennent uniquement de notre système solaire mais il n'est pas impossible qu'à terme nous recevions un échantillon en provenance d'une autre étoile proche entourée de poussière et de cailloux.


* Nous sommes également capables de détecter des particules beaucoup plus exotiques et qu'on appelle des neutrinos. Ces particules sont produites lors des réactions thermonucléaires qui se produisent au coeur des étoiles et ont la propriété d'ensuite très peu interagir avec la matière qu'elle traversent. Ce sont les passe-murailles de l'univers, elles sont très difficiles à détecter mais enfin, on en repère certaines. L'astronomie des neutrinos en est à ses débuts et on peut imaginer par exemple qu'un télescope à neutrinos pourrait nous permettre de voir l'intérieur du soleil, le coeur de l'étoile, et de mieux comprendre comment il fonctionne. Aujourd'hui, le coeur du soleil est totalement inaccessible à l'observation du fait de son opacité, un peu comme un brouillard très dense. Lors de l'explosion de la supernova 1987a, l'effondrement de l'étoile a produit une énorme bouffée de neutrinos qui sont arrivés sur terre juste avant la lueur de l'explosion qui a suivi cet effondrement.


* Il reste une dernière fenêtre où nous pouvons braquer nos instruments, c'est une méthode qui consiste à examiner la façon dont l'espace lui même "vibre" quand des phénomènes extrêmement énergétiques interviennent, comme une supernova, l'explosion d'une étoile ou le mouvement d'un trou noir, il s'agit de l'observation des ondes gravitationnelles. Ces ondes dont l'existence est prédite par la théorie de la relativité, pourraient être détectées par les déformations induites dans le détecteur lui-même. Il existe actuellement une expérience internationale, nommée VIRGO, dont le but est la détection de ces ondes.

Astronomie et Astrophysique

Il y a eu une époque où le travail de l'astronome consistait uniquement à répertorier les astres, leur position, les compter, les nommer (Astronomie c'est "nommer les astres"). On a même dit au 19e siècle que les étoiles étaient tellement éloignées de nous que nous ne pourrions jamais connaitre leur composition chimique. Il a fallu attendre le milieu du 20e siècle pour comprendre vraiement d'où vient la source d'énergie du soleil et des étoiles mais depuis la fin du 19e, on sait repérer dans les étoiles, les éléments chimiques qui s'y trouvent. On utilise pour cela une technique appelée spectroscopie qui décompose la lumière selon les diverses longueurs d'ondes qui y sont présentes, un peu comme un prisme permet de découvrir qu'à l'intérieur de la lumière blanche se trouvent toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Chaque atome qui interagit avec de la lumière y laisse sa trace à des longueurs d'onde très particulières que l'on mesure au laboratoire, et que l'on reconnait ensuite dans la lumière qui nous vient des étoiles. On introduit ainsi la physique dans l'étude des astres et on passe de l'astronomie à l'astrophysique. On peut ainsi apprendre que dans les étoiles se trouvent principalement de l'hydrogène et de l'hélium, ainsi que de nombreux éléments plus lourds, comme le carbone, l'azote ou l'oxygène, éléments qui existent sur terre. L'histoire de l'Helium est intéressante de ce point de vue car cet élément a d'abord été détecté dans le soleil avant d'être "retrouvé" sur terre ; c'est d'ailleurs du soleil (Helios) que lui vient son nom.

Le laboratoire inaccessible qu'est l'univers est ainsi remplacé par le laboratoire sur terre où l'on réalise des expériences dont on compare les résultats avec ceux observés. Certaines de ces "expériences" sont réalisées à l'aide d'ordinateurs qui modélisent le comportement du système étudié à partir de lois physiques connues sur terre, ce sont en quelque sorte des "expériences de pensée" comme les appelait Einstein. L'utilisation de modèles établis à partir de lois physiques connues sur terre est possible car une des grandes découvertes de l'astrophysique a été de montrer que les phénomènes de l'univers se déroulant parfois à des distances énormes peuvent s'expliquer par les mêmes lois que sur terre.

Comment s'effectuent les découvertes en astronomie ?

Si on porte sur un graphe le compte cumulé des découvertes en astronomie depuis l'époque des grecs, la courbe comporte quelques découvertes seulement jusqu'en 1600, époque de l'utilisation de la lunette de Galilée. Le nombre augmente ensuite régulièrement jusqu'au milieu du 20e siècle où il explose littéralement sous l'impulsion des nouvelles techniques utilisées alors en astronomie. On peut situer approximativement en 1930 l'ouverture de l'observation en dehors du domaine visible.

Du fait de sa dépendance de l'observation, donc des moyens techniques associés, l'astronomie est peut être plus dépendante encore que n'importe quelle autre science des progrès techniques. De fait, chaque fois qu'une nouvelle technique est appliquée en astronomie, les découvertes sont rapides. Le premier exemple est celui de la lunette de Galilée qui utilise une technologie militaire de son époque pour la braquer sur les astres et immédiatement, il découvre des montagnes sur la lune, il confirme les phases de Vénus, il trouve les 4 satellites de Jupiter qui depuis portent son nom. Cette tendance s'est poursuivie depuis, comme on peut le voir sur une figure qui donne l'age de la technologie utilisée pour faire une découverte à une époque donnée. Avant les années 1950, une découverte pouvait être faite avec une technologie ancienne (les découvertes à l'oeil nu, par exemple, exploitent une "technologie" vieille de quelques millions d'années !). Par la suite, cet age a diminué, montrant d'une part que dès qu'une nouvelle technologie était disponible, les découvertes suivaient, et d'autre part que le potentiel de découvertes était assez vite épuisé.

La vie d'une théorie particulière : la loi de la gravitation

L'histoire de la théorie de la gravitation de Newton est fascinante à plus d'un terme. Tout d'abord, elle se situe à la frontière de la physique et de l'astrophysique, ne serait-ce que parce qu'elle montre qu'il n'y a pas de différence entre la gravitation sur terre, la pesanteur qui fait tomber les pommes et la gravitation entre les astres, la force qui fait tourner la lune autour de la terre, la terre autour du soleil, le soleil dans la galaxie, etc. D'un point de vue simplement philosophique, cette loi a un lien avec la découverte de montagnes sur la lune par Galilée : les astres sont semblables à la terre, il n' y a pas un monde terrestre plein de soucis et de défauts, et un monde des astres libéré de toute contrainte, parfait, cristallin. La loi de Newton est un premier grand pas vers l'astrophysique, avant la découverte des raies atomiques dans le spectre du soleil : les lois physiques sont les mêmes sur terre et dans les astres que nous pouvons observer avec nos télescopes. C'est un immense pas unificateur dans notre vision de la physique de l'univers. Pour une présentation rapide de la loi de la gravitation, la légende veut qu'en voyant tomber une pomme dans son jardin, Newton ait eu l'intuition que c'était la même force qui faisait tombe cette pomme et qui faisait sans cesse... tomber la lune sur la terre. On peut montrer que la courbe que la lune décrit autour de la terre, ou que toute planète décrit autour du soleil, est une combinaison entre sa tendance à aller tout droit (son inertie) et sa tendance à tomber sur le centre de masse qui l'attire. Encore, si la théorie de Newton ne faisait que cela, expliquer d'une manière géniale mais d'une certaine façon a posteriori, comment la lune tourne autour de la terre, ce pourrait n'être qu'un modèle, une espèce de représentation de la façon dont les choses se passent, sans aller beaucoup plus loin. Là où cette idée devient une véritable théorie, là où elle gagne sa place au panthéon de la physique, c'est quand elle est capable de prédire un phénomène auparavant inconnu. C'est avec la découverte de Neptune par le calcul de Le Verrier à l'observatoire de Paris que la théorie de la gravitation de Newton triomphe. Le Verrier examine les paramètres de l'orbite d'Uranus, découverte plus tôt par William Herschel, et il conclue que si la théorie de Newton est correcte, l'orbite d'Uranus ne respecte pas tout à fait cette loi. Dans un cas pareil, deux solutions sont possibles : soit la théorie est fausse, ou en tout cas, il lui manque quelque chose (et après tout, pourquoi pas ? la théorie de Newton pourrait être correcte à petite échelle, celle des pommes ou de la lune, mais pas à grande échelle sur des distances de l'ordre du système solaire) , ou bien la théorie est correcte et les perturbations de l'orbite sont causées par une influence extérieure, peut-être celle d'une planète qu'on n'a pas encore découverte. Il contacte un collaborateur à l'observatoire de Berlin en lui donnant les coordonnées où devrait se trouve la planète perturbatrice et bingo, on trouve effectivement une planète là où le calcul la place. D'où le triomphe, de la gravitation et de Le Verrier, qui deviendra directeur de l'observatoire de Paris et contribuera à y développer une école de mécanique céleste qui existe encore aujourd'hui. Mais on peut placer également ici une anecdote sur la façon dont les découvertes arrivent ou n'arrivent pas en astronomie, en mentionnant que le calcul de Le Verrier avait été effectué plusieurs années auparavant par un jeune chercheur anglais nommé Adams, et dont le directeur de laboratoire, un certain Airy n'avait pas voulu prendre au sérieux les résultats, bloquant ainsi bêtement le succès d'Adams et de son observatoire...

Puis vient le temps de la théorie de la relativité, ou plutôt viennent certains phénomènes physiques qu'on ne peut expliquer dans le cadre que nous offre la théorie de Newton. Une expérience d'optique célèbre, dite de Michelson et Morley montre que la vitesse de la lumière ne se propage pas selon les règles sur lesquelles s'appuie la théorie de la gravitation de Newton ; on s'aperçoit que l'orbite de la planète Mercure, proche du soleil, ne suit pas tout à fait la route que lui trace la théorie de Newton. Il s'en faut d'un minuscule décalage, à peine un centième de degré par siècle, mais bien mesurable ; et puis une mesure de déviation de la lumière par le soleil, lors d'une éclipse, montre que le calcul de Newton, sur ce cas également, se trompe d'un facteur 2. Ces divers phénomènes physiques tracent les frontières du domaine où la théorie de la gravitation de Newton excelle. C'est une question de précision : dans tout un tas d'applications, la précision de la théorie de la gravitation est amplement suffisante. Puis pour comprendre d'autres effets, très très fins, on est obligé de changer de façon de calculer, de changer de théorie, et d'utiliser la relativité d'Einstein.

Les surprises de l'astronomie

Plusieurs découvertes en astronomie ont évidemment été des surprises mais il y a des degrés. Par exemple, la découverte de Pluton au 20e siècle n'a pas à proprement parler été une surprise : on connaissait d'autres planètes, Pluton aurait pu ne pas exister mais, à partir des connaissances de l'époque de sa découverte, il était possible que Pluton existe. La découvertes des pulsars, par contre, était totalement insoupçonnée, même si son interprétation théorique a ensuite été rapide. Cette découverte a eu lieu par hasard, alors que les chercheurs concernés poursuivaient l'étude de la scintillation des ondes radio lors de leur traversée du système solaire. Il avait fallu pour cela mettre au point un équipement permettant d'observer des astres ponctuels, et de détecter des variations de signal rapide dans le temps. A partir de là, se superpose au signal attendu un "parasite" inattendu ; lorsqu'on élargit ce parasite on constate qu'il s'agit d'impulsions radio extrêmement régulières, des "tops" espacés d'une seconde ou presque. Une fois éliminée l'hypothèse d'un télégramme extraterrestre, on est amené à conclure qu'on a découvert une nouvelle sorte d'astre : les pulsars, qui sont des étoiles à neutrons, des restes de supernova, tournant très rapidement autour de leur axe. La découverte des pulsars a été possible grâce à la disposition d'un nouvel équipement performant, et grâce à la rigueur et l'obstination des chercheurs de l'équipe concernée, en particulier Roselyne Bell, une étudiante.

Il faut ici mettre un bémol à cette présentation d'une découverte observationnelle effectuée par hasard d'un phénomène inconnu et insoupçonné auparavant. Lorsque les pulsars ont été découverts, il existait des calculs théoriques dont les résultats permettaient d'expliquer pourquoi des étoiles très denses comme les étoiles à neutron pouvaient tourner aussi vite (un tour par seconde !). De même, les trous noirs (qui n'ont pas encore été "découverts") sont prévus par le calcul depuis des siècles.

Une autre découverte immense, le rayonnement cosmologique à 3K a aussi été faite par hasard, alors qu'elle avait été annoncée de manière théorique de nombreuses années auparavant mais les instruments n'avaient pas alors la sensibilité nécessaire pour le détecter.

De nouvelles découvertes ?

On peut revenir un instant sur la figure du nombre cumulé de découvertes en astronomie et se demander si cette pente ascendante se poursuivra indéfiniment ou si le nombre de phénomènes astrophysiques qu'il nous reste à découvrir est fini, bien déterminé (même si nous ne le connaissons pas encore !). Il n'est pas facile de répondre à cette question. On peut trouver dans le livre de Martin Harwitt une intéressante analyse du nombre de phénomènes déjà découverts, des différents "moyens" utilisés pour faire ces découvertes (visible, radio, neutrinos, etc.) et du rythme auquel certains phénomènes sont redécouverts par un autre biais après avoir d'abord découverts dans un premier (par exemple l'émission radio de jupiter qu'on connaissait déjà par son émission dans le visible, ou plus récemment les fameux sursauts gamma qu'on n'arrivait pas identifier et dont on tout récemment découvert une contrepartie optique avec le télescope spatial). Son analyse le pousse à conclure que le nombre de phénomène astrophysiques est fini, de l'ordre d'une ou deux centaines (ce compte dépend évidemment de ce qu'on appelle un phénomène astrophysique et comment on les recence). Il nous suffirait donc d'augmenter les fenêtres observationnelles auxquelles nous avons accès, d'augmenter la sensibilité de nos instruments pour découvrir les uns après les autres, tous les phénomènes astrophysiques de l'univers. Aujourd'hui par exemple, nous sommes en chasse des planètes qui se trouvent probablement en orbite autour des étoiles autres que le soleil. Pour cela de nouvelles techniques, comme l'optique adaptative, ou l'interférométrie à plusieurs télescopes, ou bien l'affinement de techniques déjà existantes, comme la spectrométrie, vont nous permettre de "voir" ces planètes. Bientôt nous devrions disposer de télescopes à ondes gravitationnelles. Si cette technique fonctionne, l'expérience nous montre que nous allons sans doute découvrir des objets, des phénomènes aujourd'hui insoupçonnés.

En matière de conclusion, je citerai une phrase de Michelson lui-même : "Les plus importants des faits physiques et des lois fondamentales ont tous été découverts, et ils sont actuellement si bien établis que la possibilité qu'ils soient un jour dépassés à la suite de nouvelles découvertes, est pratiquement nulle ".

Trois ans plus tard, Albert Einstein annonçait son nouveau principe de relativité, basé en particulier sur les mesures que Michelson avait effectuée avec Morley près de vingt ans auparavant (1881, 1887) ! Chaque fois qu'un physicien a eu des affirmations péremptoires sur l'avenir de la physique, sa prochaine fin ou son prochain achèvement, de nouvelles découvertes sont venues lui apporter un démenti cinglant. De plus, il existe un outil que je n'ai pas encore cité et dont les performances font plus que doubler chaque année, et qui se trouve utilisé par tous les instruments astronomiques et tous les chercheurs, je veux parler de l'informatique. Nous n'avons pas vraiment idée de la manière dont les ordinateurs influenceront la recherche dans 10 ans, il est donc logique de penser que de nombreuses découvertes, théoriques et observationnelles seront dues prochainement à l'utilisation de l'informatique.

On peut donc gager sans gros risque qu'il nous reste de nombreux phénomènes à découvrir, et de belles nuits à passer derrière les télescopes, écrans d'ordinateurs ou feuille de papier blanc.