L'UNIVERS INVISIBLE
Conférence 'Semaine de la science', samedi 10 octobre 98
Jean-Louis Monin, Observatoire de Grenoble
Introduction
La distinction "univers visible" / "univers invisible" peut se faire tout simplement en pensant au domaine de rayonnement que notre oeil peut voir ou ne pas voir. Le soleil nous apparaît jaune parce qu'il est chaud (température de surface 6000 degrés) et rayonne beaucoup d'énergie autour de 0.5 micron de longueur d'onde, longueur d'onde à laquelle notre oeil est très sensible. Certaines étoiles sont beaucoup plus froides et rayonnent l'essentiel de leur énergie dans des domaines de longueur d'onde auxquelles notre oeil n'est pas sensible, en infrarouge et en onde radio par exemple. Nous verrons plusieurs exemples d'astres rayonnant différents "types" de rayonnement. Mais avant cela, on peut se poser la question de savoir pourquoi est-ce si important le fait que l'univers soit visible ou pas ? Une réponse peut être la suivante : à la différence d'autres sciences en physique, l'astronomie ou l'astrophysique travaillent sur des objets, des phénomènes, un laboratoire, qui nous sont inaccessibles.
Cela changera peut-être un jour
mais à de très rares exceptions près, personne n'est
allé sur une étoile ou dans une galaxie pour modifier un
paramètre du fonctionnement de ces objets et étudier quelle
sont les conséquences de ce changement. On ne peut pas faire d'expériences
sur le soleil pour savoir ce qui se passerait si on modifiait sa température
par exemple. Tout ce que nous savons sur l'Univers nous vient des rayonnements
que celui-ci veut bien nous envoyer. Je dis 'rayonnement' à dessein
car lorsque ces rayonnements peuvent être détectés
par nos yeux, on appelle cela de la lumière, et quand leur longueur
d'onde est différente, on appelle cela autrement (infrarouge, ondes
radio, etc. Nous y reviendrons). Donc nous ne connaissons l'Univers que
parce qu'il est "visible" au sens large, et une énorme partie du
travail de l'astronomie consiste à faire en sorte que nous puissions
"voir" de plus en plus de ce rayonnement qui constitue la seule information
que nous ayons sur l'univers.
Par exemple, l'image ci-contre
montre Une partie de
notre galaxie . Les parties sombres
ne correspondent pas à une absence d'étoiles mais à la
présence de grandes quantités de poussières qui
obscurcissent le rayonnement des étoiles situées
derrière. Des observations dans l'infrarouge ou les ondes radio
peuvent permettre de "voir" cette poussière en captant le
rayonnement qu'elle émet.
Sur cette image, on observe
La même région de formation d'étoiles
dans la constellation d'Orion, à gauche dans le visible et à
droite dans l'infrarouge ; les étoiles jeunes, plus froides et "cachées"
par de grandes quantités de gaz et de poussières se dévoilent
au delà de 2 microns.
Les messagers de l'information
Avant même de parler de rayonnements, on peut élargir le débat et considérer toutes les formes que prend l'information dont on dispose pour étudier et comprendre l'Univers. Il y a 5 types de messagers de l'information que nous recevons de l'univers, et les rayonnements n'en sont qu'une partie. Certains sont aujourd'hui bien exploités par les astronomes, d'autres le sont peu ou pas du tout. Certains types de messages se recoupent ; par exemple, on "voit" la couleur rouge de Mars et on en conclut que son sol renferme du fer, et cela peut nous arriver de trouver des météorites qui peuvent provenir de Mars ou de la région du système solaire où Mars s'est formée, et de vérifier qu'elle contiennent une part importante de fer. Il peut également arriver que de nouveaux messages nous fassent découvrir de nouveaux phénomènes inconnus jusqu'alors et inaccessibles autrement. C'est le cas par exemple des étoiles en formation enfouies dans les nuages moléculaires : elles sont totalement invisibles, inaccessibles lorsqu'on observe avec des longueurs du visible (< 1 micron) et on les découvre lorsqu'on observe à des longueurs d'ondes plus importante, comme dans le domaine infrarouge ou radio.
D'autres types de messagers sont
aujourd'hui peu
ou pas exploités , comme les
neutrinos, qui sont émis en quantité énorme au sein
des étoiles comme le soleil, et les ondes gravitationnelles dont
on soupçonne l'existence comme une conséquence de la loi
de la relativité générale, et qui seraient émises
par des astres mettant en jeu des densités énormes, comme
les trous noirs, par exemple. Il existe aujourd'hui des détecteurs
à neutrinos et un projet de détecteur d'ondes gravitationnelles
(projet VIRGO).
Longueurs d'ondes : le visible et l'invisible
Les rayonnements dits
électromagnétiques (c'est à dire de la même nature que la lumière) que nous recevons sur terre possèdent des longueur d'ondes extrêmement variées, sur une gamme de plusieurs milliards (de 10-10 m à plusieurs m).
Le ciel est noir
Un exemple parfait d'Univers invisible
: la nuit, le ciel est noir ! Ca a longtemps été considéré
comme paradoxal, d'ailleurs, car si l'univers est infini et uniformément
rempli d'étoiles, le ciel devrait nous apparaître uniformément
brillant, aussi brillant que la surface du soleil (paradoxe d'Olbers-Chézeaux),
l'éloignement des étoiles lointaine étant compensé
par l'augmentation de leur nombre, un peu comme l'amoncellement des arbres
d'une forêt finit par la rendre opaque. Et bien, si on regarde le
ciel à la bonne longueur
d'onde, il n'est pas "noir"
du tout mais bien uniformément brillant. Il suffit de regarder dans
le domaine radio, autour d'une longueur d'onde de l'ordre d'un millimètre.
Et ce rayonnement, qu'on appelle aussi rayonnement à 3K nous renseigne
sur l'état de l'univers lorsqu'il était très jeune,
il y a quelques 10 milliards d'années de cela.