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Conférence du Laboratoire d'Astrophysique de Grenoble
Jean-Louis Monin octobre 1997
Introduction
Une visite guidée de l'univers : vaste programme ! C'est vrai que l'astronomie porte sur l'observation et l'étude de l'ensemble de l'univers dans lequel nous vivons et qu'en toute rigueur le titre est exactement adapté à la compétence d'un astronome. Ceci dit, il y a deux façon de commencer un tel exposé. Soit on part de notre univers familier, notre environnement proche, la terre, et on agrandit le champ de vue au fur et à mesure, soit on part d'une vue large, on présente l'univers dans son ensemble et on en détaille les différents aspects en focalisant petit à petit sur la région que nous occupons, le minuscule grain de poussière sur lequel nous nous trouvons. Une façon de présenter la visite serait de reprendre les images du système solaire que les diverses sondes spatiales nous envoient régulièrement depuis près d'une vingtaine d'années. Pour une fois, je vais choisir l'autre solution, et partir du grand champ, en respectant l'idée de la visite guidée, de manière à préciser des termes comme galaxie, étoile, planète, nébuleuse, supernova, étoile à neutron ou trou noir.
Des distances ... astronomiques !
Lorsqu'on veut parler de l'univers dans son ensemble, et même si on veut se limiter au système solaire, il faut préciser les choses en matière de mesure de distance. Sinon, on utiliserait sans cesse des nombres de kilomètres abominables, pour évoquer la distance entre les étoiles ou entre les galaxies. Pour cela on utilise une unité que beaucoup connaissent : l'année-lumière, qui est la distance que parcourt la lumière pendant un an à la vitesse de 300.000 kilomètres par seconde, soit près de 10000 milliard de kilomètres. On utilise également assez souvent une unité un peu plus grande, le parsec qui fait environ 30000 milliards de kilomètres. Un parsec représente grosso-modo a distance entre deux étoiles dans la galaxie. Pour tout ce qui concerne la mesure des distances à l'intérieur du système solaire, on utilise une autre unité de distance, appelée l'unité astronomique et qui vaut 150 millions de km.
La vitesse de la lumière est notre limitation de vitesse dans l'univers : rien ne peut se déplacer plus vite que la lumière, et quand nous regardons un objet dans le ciel qui se trouve par exemple à 100 années-lumières, il a fallu 100 ans à la lumière pour nous parvenir. Nous le voyons tel qu'il était il y a 100 ans. Cette limitation de vitesse a des conséquences sur la distance maximum à la quelle nous pouvons regarder. Aujourd'hui, les parties les plus éloignées de l'univers auquelles nous ayons accès sont situées à quelques milliards de parsec, tout simplement parce que l'univers n'est pas assez vieux pour que la lumière ait eu le temps de venir de plus loin. Nous pensons que l'histoire de l'univers a débuté il y a environ 10 milliards d'années et cela limite notre horizon, l'univers observable aujourd'hui, à quelques 3 milliards de parsec. Attention, cela ne veut pas dire que la taille de l'univers est de 3 milliards de parsec, derrière l'horizon, il y a encore des galaxies mais nous n'avons simplement pas encore eu le temps de les voir.
Un océan de galaxies
Quelle que soit la direction dans laquelle on regarde, on se trouve plongé dans un océan de galaxies. Une galaxie est un objet lumineux d'une taille de l'ordre de 100.000 années lumières, 30.000 parsec, et représente une masse de l'ordre de plusieurs dizaines de milliards de fois la masse de notre soleil. On peut avoir une idéee de cet océan de galaxies en regardant les images "profondes" du télescope spatial Hubble. Chaque degré carré du ciel observé au télescope contient des milliers et des milliers de galaxies. On peut dire que la galaxie est la brique de base de l'univers, qui en contient des milliards. Il y a évidemment des types très variées de galaxies, de couleurs et de formes différentes, certaines sont ovales, d'autres ont des formes spiralées, d'autres sont appelées "irrégulières" car elles n'ont pas de forme simple à classer. Parfois, les galaxies sont regroupées en amas plus ou moins gros, certaines se frôlent, ce qui peut les déformer à cause de l'attraction gravitationnelle, voire même les disloquer. Certaines galaxies géantes "dévorent" leurs voisines plus petites, à cause de leur masse immense.
L'univers en expansion
Si on pouvait faire une photo de l'état des galaxies dans l'univers à un instant donnée puis quelques milliards d'années plus tard, on s'apercevrait que les galaxies se sont éloignées les unes des autres. La distance entre deux galaxies ne cesse d'augmenter au cours du temps du fait de ce que l'on appelle l'expansion de l'univers. L'expansion de l'univers est connues depuis peu d'années au regard de l'histoire de l'astronomie : quelques dizaines d'années seulement. Elle a été découverte par un astronome nommé Hubble (dont on a donné le nom au télescope spatial) grace à une propriété des ondes (lumineuses ou sonores) et qu'on appelle l'effet Doppler. A l'aide de cet effet, on est capable de déterminer si une galaxie s'approche ou s'éloigne de nous, et à quelle vitesse. La plupart des galaxies observées montrent un décalage vers le rouge de leur émission, ce qui prouve qu'elles s'éloignent, et ce à une vitesse d'autant plus importante qu'elles sont éloignées (environ 75 km/sec par million de parsec de distance). En mesurant l'expansion de l'univers, on est capable, en inversant la formule, de déterminer à quelle époque toutes les galaxies qu'on observe aujourd'hui étaient concentrées en un même point, dans un état de densité et de température énormes. C'est ce que l'on appelle le Big Bang, le début de l'univers tel que nous le connaissons aujourd'hui.
Le fond cosmologique à 3K
En fait, si nos yeux étaient sensibles dans le domaine radio, nous verrions que l'océan des galaxies que constitue l'univers, baigne dans une faible lueur uniforme, comme un brouillard, ou comme un bruit de fond, identique dans toutes les directions. Cette lueur, c'est ce qui nous reste de l'époque où l'univers était beaucoup plus chaud qu'aujourd'hui. Si nous avions vécu lorsque l'univers n'était agé que de quelques centaines de milliers d'années, nous aurions pu véritablement voir luir cette lueur dans toutes les directions. Depuis, l'univers s'est refroidi d'un facteur mille environ, et cette lueur est devenue invisible de la même manière qu'un fer rouge redevient noir lorqu'il refroidit. Et si la lueur nous vient de toutes les directions, c'est parce que nous aussi nous faisons partie de l'expansion.
Des galaxies d'étoiles
Chaque galaxie est lumineuse car elle est constituée d'étoiles. Il y a typiquement 100 milliards d'étoiles par galaxie. Les étoiles dans leur galaxie restent ensemble en orbite autour du centre, un peu comme les planètes restent ensemble en orbite autour du soleil. Une galaxie comme la notre tourne sur elle même en 250 millions d'années. C'est dans ce mouvement de rotation que la galaxie prend parfois sa forme en spirale. Cette rotation a aussi pour effet d'aplatir la galaxie si bien que vue de face une galaxie a une forme pratiquement circulaire, tandis que vue de profil, elle est beaucoup plus mince. Bien sur, on ne peut voir la même galaxie de face ou de profil mais sur les milliers de galaxies connues, on peut observer toutes les orientations possibles pour un même type de galaxie.
Dans une galaxie, les étoiles sont plus nombreuses au centre, qu'on appelle le bulbe. A la périphérie, les étoiles se font plus rares et sont souvent regroupées dans les bras en forme de spirale que comporte la galaxie. Il existe dans l'univers une seule galaxie que nous ne pouvons apercevoir dans son ensemble dans le ciel, c'est la notre, celle qui contient l'étoile Soleil. On parle parfois de "la" galaxie. On peut aussi parler de la voie lactée : cette trainée d'étoiles qu'on observe à travers le ciel en été, c'est notre galaxie, que nous voyons par la tranche. Notre galaxie est une galaxie moyenne, de 100.000 année-lumières de diamètre et notre soleil est situé dans un des bras, aux deux tiers vers l'extérieur, dans la banlieue !
Des étoiles de toutes les couleurs
Lorsqu'on observe les étoiles, on en découvre de diverses couleurs, et ces couleurs correspondent à diverses températures. Le soleil est une étoile jaune, et sa température de surface est de l'ordre de 6000 degrés. Certaines étoiles sont plus froides et apparaissent rouges, d'autres sont plus chaudes et apparaissent bleues. Les étoiles "normales" comme le soleil sont toutes dans la même phase de leur existence : elle brûlent de l'hydrogène et fabriquent de l'Helium. On appelle "séquence principale" l'ensemble de ces étoiles dans la force de l'âge, et sur cette séquence, la couleur d'une étoile est déterminée par sa masse : plus elle est massive, plus elle est chaude, donc bleue. La masse d'une étoile est le paramètre essentiel qui détermine ses caractéristiques. On s'est aperçu que les étoiles ne pouvaient pas avoir n'importe quelle masse : si une étoile est trop massive, elle est trop chaude et rayonne tellement d'énergie qu'elle repousse la matière qui l'environne, et si elle est trop froide, elle ne rayonne plus d'énergie et perd le titre d'étoile. C'est ce qui nous permet de distinguer une planète d'une étoile. La terre, ou jupiter ne sont tout simplement pas assez massives pour être ce que l'on appelle une étoile. Aujourd'hui, une grande quête de l'astronomie est de trouver des astres qui seraient juste à mi-chemin entre la planète et l'étoile. Ces "naines brunes" sont extrêmement difficiles à détecter car trop froides, elles ne rayonnent que très peu d'énergie. Par contre, elles vivent très longtemps et pourraient être très nombreuses et constituer une part importante (aujourd'hui encore inconnue) de la masse de la galaxie.
Inversement, les étoiles plus massives brûlent plus vite et terminent leur vie soit sous forme de géante rouge puis de nébuleuse planétaire soit sous forme de supernova. Dans ces phases de leur vie, les étoiles rejettent dans l'espace de nombreux élements plus lourds que l'hydrogène ou l'helium, comme le carbone, l'azote, l'oxygène, le silicium... Tous ces atomes constituent ensuite des nuages de poussière au sein desquels d'autres étoiles avec éventuellement un cortège de planètes se formeront. Tous les atomes présents sur terre ont été fabriqués par une étoile antérieure au soleil.
Splendeur et décadence des stars
Toutes les étoiles ne se trouvent pas en équilibre sur la séquence principale. Même si elle passe la majeure partie de sa vie à bruler de l'hydrogène en Helium, chaque étoile connait un début et une fin. Chaque étoile commence son existence sous la forme d'un nuage de gaz et de poussières qui se contracte et se met à chauffer, on parle alors de proto-étoile. Souvent, une telle étoile encore jeune, à peine quelques dizaines de milliers d'années, n'est détectable que dans les ondes radios, ou infrarouges. Lorsque la température devient suffisante, c'est à dire si il y a suffisamment de gaz disponible, l'étoile devient visible et allume bientôt les réactions nucléaires en son centre. Elle arrive alors dans le club de la séquence principale. Bien plus tard, près de 10 milliards d'années plus tard pour une étoile comme le soleil, lorsqu'elle a brûlé tout son hydrogène, l'étoile se remet à évoluer. Là encore son destin dépend étroitement de sa masse, l'étoile peut terminer sa vie comme géante rouge puis naine blanche, ou encore supernova qui donnera une étoile à neutrons ou un trou noir. C'est dans cette dernière phase de son existence que l'étoile fabrique des atomes plus lourds que l'helium. Elle rend ces atomes (azote, carbone, oxygène, etc.) à la galaxie, et ces atomes se retrouvent sous forme de poussières qui participeront à la formation des étoiles de la génération suivante
Naines blanches, Géantes rouges, Etoiles à neutrons et Trous noirs
Ces objets aux noms évocateurs ont en fait la même origine. Ils sont tous ce qui reste d'une étoile à la fin de son existence. La seule différence provient de la masse de l'étoile initiale. Une naine blanche, comme son nom l'indique est une petite étoile très chaude (chauffée à blanc en quelque sorte). C'est ce qui restera d'une étoile comme le soleil dans 5 milliards d'années environ. A la fin de son cycle sur la séquence principale, les parties extérieures du soleil enfleront jusqu'à dépasser l'orbite de la terre, tandis qu'en son centre, le coeur se contractera et deviendra une naine blanche. Si l'étoile est plus massive, la naine blanche ne peut supporter la pression du gaz et les protons et les électrons se combinent pour donner des neutrons, on obtient alors une étoile à neutrons, d'une taille de l'ordre de celle de la terre mais avec la densité d'un noyau atomique. Dans son mouvement de contraction, l'étoile à neutrons accélère son mouvement de rotation (comme un patineur) et donne naissance à un pulsar. Enfin, si la masse initialement disponible est vraiment trop importante, ni le gaz ni les neutrons ne peuvent supporter l'énorme pression et l'étoile s'effondre sans cesse sur elle même, donnant naissance à un trou noir.
L'espace entre les étoiles
En plus de ses étoiles, la galaxie contient ce que les astronomes appellent le milieu interstellaire. Autrement dit, entre les étoiles on trouve aussi de la matière, et parfois en très grandes quantités. Il s'agit essentiellement de gaz hydrogène puisque 90% de l'univers est constitué d'hydrogène, mais on y trouve aussi d'autres atomes. On y trouve aussi de la poussière, des grains de carbone, de silicates, de fer, etc, qui ont été formés par les générations précédentes d'étoiles. Ce gaz et cette poussière sont visibles lorsqu'ils sont éclairés par des étoiles voisines, mais ils peuvent aussi se révéler très opaques et nous cacher des régions entières de la galaxie. Aujourd'hui, on est capable de sonder le coeur de ces nuages, de ces globules de gaz et de poussière à l'aide d'ondes radio ou infrarouges. On s'y interesse d'autant plus que c'est au sein de tels nuages que se forment les étoiles. Nous essayons de comprendre comment le soleil et son cortège de planètes se sont formés en étudiant d'autres systèmes stellaires en formation.
D'autres systèmes planétaire ?
Aujourd'hui, on détecte de plus en plus de matière en orbite autour d'autres étoiles que le soleil. Cette matière, constituée de gaz et de pousières est organisée en forme de disque autour de l'étoile centrale et dans ce disque se forment peut-être d'autres planètes comme jupiter ou la terre. Le plus connu de ces disques est peut-être celui découvert autour de l'étoile b Pictoris mais de nombreux disques ont été détectés autour d'étoiles plus jeunes encore, dans leur phase de formation.
Planètes, astéroides et comètes
Aujourd'hui, on pense que la formation d'une étoile s'accompagne de la formation d'un disque de poussière et de gaz dans lequel se forment probablement des planètes comme celles que l'on observe dans notre système solaire. Les sondes spatiales nous ont rapporté dans les 20 dernières anneés un ensemble d'images qui justifirait une conférence à lui tout seul. On trouve proche du soleil (dans les 3 premières unités astronomiques environ) des planètes appelées telluriques du fait de leur constitution rocheuse qui les fait ressembler à la terre. Parmi ces 3 planètes, vénus, la terre et mars, seule la terre possède de l'eau à l'état liquide dans laquelle la vie a pu se développer à grande échelle. De 5 à 30 unités astronomiques du soleil, on trouve ensuite quatre planètes : jupiter, saturne, uranus et neptune, dites gazeuses ou géantes, parce qu'elles sont essentiellement constituées de gaz et beaucoup plus massives que les planètes telluriques. A ces 7 planètes s'ajoutent, au deux extrêmités mercure toute proche du soleil, et pluton, la plus éloignée... La plupart du temps. Ces 2 planètes sont les plus petites planètes du système solaire et certains satellites de jupiter sont plus grands que mercure. Pluton quant à lui est probablement un ancien satellite de neptune évadé, son orbite étant en effet très différente de celles des autres planètes. D'ailleurs, pluton n'est plus en ce moment la planète la plus éloignée du soleil, sa route a croisé celles de neptune.
A mi-chemin entre mars et jupiter, entre les planètes telluriques et gazeuses, on trouve un ensemble de petits corps rocheux dans ce qu'on appelle la ceinture des astéroides. On connait quelques astéroides suffisamment gros (environ 1000 km) pour avoir une forme sphérique mais l'immense majorité d'entre eux ont des formes quelconques, comme des morceaux de montagnes dérivant dans l'espace.
Parmi les planètes, d'un bout à l'autre du système solaire, se promènent les comètes. Boules de glace de quelques dizaines à quelques centaines de km de large, elles proviennent des régions extérieures du système solaire, et sont parfois perturbées dans leur route pour venir tomber vers le soleil. Certaines reviennent régulièrement (Halley, Hale-Bopp), d'autres connaissent un destin plus tragique, comme la comète de Shoemaker-Levy qui s'est récemment abîmée dans jupiter.
La suite de la visite
La suite de la visite sera constituée des objets qu'il nous reste à découvrir ! Nous pouvons être certains qu'il reste encore de nombreux phénomènes astrophysiques à découvrir, car nous n'avons pas encore exploré toutes les fénêtres d'observation qui sont à notre disposition. C'est une des constantes de l'astronomie depuis toujours, que si l'on braque son regard vers le ciel en s'aidant d'une nouvelle technique instrumentale, on fait une nouvelle découverte. Aujourd'hui nous savons explorer le domaine électromagnétique des rayons gamma jusqu'aux ondes radio, nous étudions également les rayons cosmiques, les neutrinos (encore imparfaitement), et nous sommes à peine sur le point de pouvoir détecter les ondes gravitationnelles. Et sans parler de nouveaux créneaux observationnels, on est en train de construire de nouveaux instruments qui vont décupler nos possibilités d'observation. Citons le VLT, le Keck, Gemini, qui sont en construction et seront équipés d'optique adaptative. Des interféromètres au sol et dans l'espace sont en construction ou en projet. On assiste à un renouveau des missions spatiales (suivant le credo "mieux pour moins cher").
Il serait bien prétentieux d'essayer de prédire quelles découvertes seront faites dans les 5 ans à venir, quelle direction prendra la visite guidée bientot. Mais rien n'interdit de parier ? Alors pour les 5 ans à venir, on peut espérer 2 choses : voir (vraiment) une planète autour d'une étoile proche et détecter des traces de vie sur mars. Et en prime, détecter les ondes gravitationnelles en provenance d'un trou noir au centre de la galaxie !