Première découverte d’une exoplanète pour Sphère

Alerte presse publiée par le CNRS le 6 juillet 2017

L’instrument Sphère équipe un des quatre télescopes géants du Very large telescope (VLT) au Chili. C’est l’un des instruments d’observation astronomique depuis le sol les plus complexes jamais réalisés. Objectif : voir directement les planètes extrasolaires.
© Claude DELHAYE/ESO/CNRS Photothèque

Installé depuis 2014 sur le Très grand télescope (VLT) de l’ESO au Chili, l’instrument européen Sphère vient d’obtenir pour la première fois le cliché d’une exoplanète grâce à des méthodes de détection directe. A ce jour, seule une poignée d’exoplanètes a pu être observée de manière directe sur les 3600 qui ont été détectées depuis 1995. D’une masse de 6 à 12 fois celle de Jupiter, HIP65426b est une planète jeune et massive qui orbite autour d’une étoile brillante à rotation rapide, située dans l’association d’étoiles du Scorpion-Centaure. Cette découverte soulève de nouvelles interrogations sur la formation des systèmes extrasolaires. Réalisée par une équipe internationale comprenant des chercheurs de l’Institut de planétologie et astrophysique de Grenoble (CNRS/Université Grenoble Alpes), du Laboratoire d’astrophysique de Marseille (CNRS/Aix-Marseille Université), du Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (Observatoire de Paris/CNRS/Université Pierre et Marie Curie/Université Paris Diderot), du laboratoire Lagrange (Observatoire de la Côte d’Azur/CNRS/Université Nice-Sophia Antipolis1), du Centre de recherche astrophysique de Lyon (Université Claude Bernard Lyon 1/ENS Lyon/CNRS) et de l’Onera, elle paraîtra prochainement dans la revue Astronomy & Astrophysics.

HIP65426b est la première exoplanète découverte par l’instrument Sphère2. Située à 385 années-lumière du Système solaire, dans l’association stellaire du Scorpion-Centaure âgée de 10 à 17 millions d’années, cette géante gazeuse est éloignée de son étoile : 3 fois la distance entre le Soleil et Neptune, la planète la plus lointaine de notre Système solaire, soit plus de 14 milliards de kilomètres. Sa masse estimée équivaut à 6 à 12 fois celle de Jupiter et sa température de 1000 à 1400 degrés Celsius. Son spectre révèle l’existence d’eau dans son atmosphère et la probable présence de nuages – des caractéristiques semblables à certaines des exoplanètes imagées jusqu’ici.

Son étoile, HIP65426, deux fois plus massive que le Soleil, ne semble toutefois pas entourée d’un disque de débris, comme c’est le cas pour la plupart des jeunes systèmes exoplanétaires. De manière surprenante, cette étoile tourne très rapidement, ce qui interroge sur l’origine et la formation de la planète HIP65426b. Les chercheurs ont établi deux scénarios possibles pour expliquer ce système singulier. Soit l’exoplanète se serait formée dans un disque de gaz et de poussières et, une fois ce disque dissipé, aurait interagi avec d’autres planètes pour se déplacer vers une orbite si éloignée, soit l’étoile et la planète se seraient formées dans le cadre d’un système binaire stellaire extrême : deux étoiles se seraient formées au même moment mais l’une étant plus massive, l’autre n’aurait pas pu aller jusqu’au bout de son accrétion et serait devenue une planète, HIP65426b.

L’instrument Sphère, installé sur le VLT depuis 2014, a pour principal objectif de détecter et de caractériser, au moyen de l’imagerie directe, des exoplanètes gazeuses et des disques de poussières autour d’étoiles proches du Soleil (jusqu’à quelques centaines d’années-lumière) avec une finesse et un contraste inégalés. Un challenge de taille puisque de telles planètes se situent à proximité immédiate de leurs étoiles hôtes et sont caractérisées par une luminosité très faible. Sphère est capable de détecter le signal d’une planète jusqu’à un million de fois plus faible que celui de son étoile hôte. A titre de comparaison, l’instrument serait capable de détecter, depuis Paris, la lumière d’une bougie à 50 cm d’un phare situé à Marseille.

L’outil Sphère est équipé d’un miroir déformable qui corrige plus de 1200 fois par seconde et à une échelle nanométrique les effets de la turbulence atmosphérique. Une autre technique de l’instrument, la coronographie, permet d’atténuer la lumière de l’étoile pour révéler celle de la planète. Enfin des techniques d’imagerie et de spectroscopie permettent aussi de caractériser leurs propriétés physiques et spectrales. </p<

Les mécanismes de formation, d’évolution et d’interaction des planètes géantes restent difficiles à étudier mais leur compréhension est primordiale car ces planètes représentent la masse la plus importante au sein des systèmes planétaires dont elles façonnent l’architecture. Elles jouent par ailleurs un rôle clef dans la dynamique des planètes telluriques plus petites et semblables à la Terre. Les observations futures de Sphère seront donc déterminantes pour mieux comprendre l’évolution et la formation des systèmes extrasolaires.

Cette image obtenue dans le domaine infrarouge proche montre l’exoplanète qui orbite autour de l’étoile HIP65426 dans l’association stellaire du Scorpion-Centaure. La lumière de l’étoile centrale a été masquée par un coronographe. L’exoplanète découverte a une masse comprise entre 6 et 12 fois celle de Jupiter et se situe à une distance égale à 3 fois celle de Neptune autour du Soleil.
© ESO/SPHERE Consortium/G. Chauvin et al.
Décomposition spectrale de la lumière de l’exoplanète HIP65426b dans le domaine infrarouge proche montrant la présence d’eau dans son atmosphère. Ce spectre peut être vu comme l’empreinte digitale de l’exoplanète.
© ESO/SPHERE Consortium/G. Chauvin et al.

En savoir plus :

Source
Discovery of a warm, dusty giant planet around HIP 65426, G. Chauvin, S. Desidera, A.-M. Lagrange, A. Vigan, R. Gratton, M. Langlois, M. Bonnefoy, J.-L. Beuzit, D. Mouillet, M. Feldt, M. Meyer, A. Cheetham, B. Biller, A. Boccaletti, V. D’Orazi, R. Galicher, J. Hagelberg, A.-L. Maire, D. Mesa, J. Olofsson, M. Samland, T.O.B. Schmidt, E. Sissa, M. Bonavita, B. Charnay, M. Cudel, S. Daemgen, P. Delorme, P. Janin-Potiron, M. Janson, M. Keppler, H. Le Coroller, R. Ligi, G.D. Marleau, S. Messina, P. Mollière, C. Mordasini, A. Müller, S. Peretti, C. Perrot, L. Rodet, D. Rouan, A. Zurlo, C. Dominik, T. Henning, F. Menard, H.-M. Schmid, M. Turatto, S. Udry, F. Vakili,L. Abe, J. Antichi, A. Baruolo, P. Baudoz, J. Baudrand, P. Blanchard, A. Bazzon, M. Carbillet, M. Carle,J. Charton, E. Cascone, R. Claudi, A. Costille, A. Deboulbe, V. De Caprio, K. Dohlen, D. Fantinel, P. Feautrier, T. Fusco, P. Gigan, E. Giro, D. Gisler, L. Gluck, N. Hubin, E. Hugot, M. Jaquet, M. Kasper, F. Madec, Y. Magnard, P. Martinez, D. Maurel, D. Le Mignant, O. Möller-Nilsson, M. LLored, T. Moulin, A. Origné, A. Pavlov, D. Perret, C. Petit, J. Pragt, P. Puget, P. Rabou, J. Ramos, R. Rigal, S. Rochat, R. Roelfsema, G. Rousset, A. Roux, B. Salasnich, J.-F. Sauvage, A. Sevin, C. Soenke, E. Stadler, M. Suarez, L. Weber, F. Wildi, S. Antoniucci, J.-C. Augereau, J.-L. Baudino, W. Brandner, N. Engler, J. Girard, C. Gry, Q. Kral, T. Kopytova, E. Lagadec, J. Milli, C. Moutou4, J. Schlieder, J. Szulágyi, C. Thalmann, Z. Wahhaj, Astronomy & Astrophysics, juillet 2017 .
DOI : arXiv:1707.01413

Contacts scientifique locaux
 Jean-Luc Beuzit, IPAG/OSUG (CNRS/Université Grenoble Alpes) : jean-luc.beuzit[at]univ-grenoble-alpes.fr 04 76 63 55 20
 Gael Chauvin, IPAG/OSUG (CNRS/Université Grenoble Alpes) : gael.chauvin[at]univ-grenoble-alpes.fr04 76 63 58 86
Contact Presse CNRS
 Anne-Sophie Boutaud  : anne-sophie.boutaud[at]cnrs.fr 01 44 96 46 06
CP SPHERE
Première découverte d’une exoplanète

Ce communiqué de presse est également relayé par
 l’institut national des sciences de l’Univers du CNRS (INSU)
 l’Université Grenoble Alpes (UGA)

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Notes

1 Membre de l’Université Côte d’Azur.

2 Dans le cadre de la campagne d’observation du grand relevé Shine (SpHere INfrared survey for Exoplanets). Le consortium SPHERE est composé de 12 instituts européens majeurs qui ont conçu et construit l’imageur de planète SPHERE pour le Very large telescope de l’ESO : Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble ; Max-Planck-institut für astronomie in Heidelberg ; Laboratoire d’astrophysique de Marseille ; Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en sstrophysique de l’Observatoire de Paris ; Laboratoire Lagrange à Nice ; Onera ; Observatoire astronomique de l’Université de Genève ; Italian national institute for astrophysics coordonné par Osservatorio astronomico di Padova ; Institute for astronomy, ETH Zurich ; Astronomical institute, University of Amsterdam ; Netherlands research school for astronomy (NOVA-ASTRON) et ESO.