L’image la plus détaillée à ce jour d’un disque de poussière autour d’une étoile vieillissante

L’interféromètre du Très Grand Télescope (VLTI) de l’ESO (Paranal, Chili) a acquis l’image la plus détaillée à ce jour d’un disque de poussière autour d’une étoile âgée. Il devient pour la première fois possible de comparer de tels disques à ceux qui entourent les étoiles jeunes – et leur ressemblance est étonnante. La possibilité qu’une seconde génération de planètes se forme à partir d’un tel disque dont l’apparition coïncide avec la fin de vie d’une étoile paraît même envisageable.

A la fin de leur existence, de nombreuses étoiles s’entourent de disques stables de gaz et de poussière. Cette matière, issue de l’étoile elle-même, a été expulsée par les vents stellaires lors de la phase géante rouge. Ces disques ressemblent à ceux qui entourent les jeunes étoiles, et à partir desquels se forment les planètes. Toutefois, les astronomes n’étaient pas encore parvenus à comparer l’un et l’autre types de disques qui se constituent au tout début et à la toute fin du cycle stellaire. En effet, si de nombreuses jeunes étoiles se situent à suffisamment grande proximité de la Terre pour que leurs disques puissent faire l’objet d’études approfondies, tel n’est pas le cas des étoiles âgées dotées de disques, trop éloignées pour pouvoir être imagées.

La situation a toutefois récemment évolué. Une équipe internationale de chercheurs menée par Michel Hillen de l’Institut d’Astronomie de Leuven en Belgique, a utilisé l’énorme potentiel de l’Interféromètre du Très Grand Télescope (VLTI) de l’Observatoire de Paranal de l’ESO au Chili, équipé de l’instrument PIONIER et du détecteur RAPID, tous deux issus de développements de la recherche française.

Un système binaire âgé constitua la cible de leurs observations. Il s’agit de IRAS 08544-4431 [1], situé à quelque 4000 années-lumière de la Terre dans la constellation australe des Voiles. Ce système est composé d’une géante rouge dont une partie du contenu matériel s’est condensé en un disque de poussière, et d’une étoile normale, moins évoluée, située à proximité.

L’incroyable netteté des images [2] acquises par l’Interféromètre du Grand Télescope et l’adoption d’une nouvelle technique d’imagerie capable de supprimer les étoiles centrales de l’image afin de révéler leur environnement, ont permis à l’équipe de scruter, pour la toute première fois, l’ensemble des blocs constitutifs de IRAS 08544-4431.

Disque de poussière autour du système double et âgé IRAS 08544-4431
Sur cette vue figure l’image reconstruite du VLTI, sur laquelle l’étoile centrale brillante a été ôtée. L’anneau fin constitue l’objet le plus important de l’image. Pour la première fois, le bord intérieur de l’anneau de poussière a pu être observé. Il matérialise parfaitement la lisière du disque de poussière ; plus près des étoiles, il s’évaporerait sous l’effet des intenses rayonnements stellaires. Une lueur plus faible issue de l’étoile compagnon est également visible, ce qui n’a pas manqué de surprendre les observateurs. © ESO

L’équipe a découvert que les disques qui entourent les étoiles âgées sont tout à fait semblables en réalité aux disques situés autour des étoiles jeunes, à partir desquelles se forment les planètes. La possibilité qu’une seconde génération de planètes se constitue autour de ces étoiles âgées est envisagée. Elle reste toutefois à confirmer.

Ces observations n’auraient pu avoir lieu sans les développements instrumentaux issus de la recherche française de ces 5 dernières années. L’instrument utilisé, PIONIER, a été conçu et réalisé en 2010 par l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble (IPAG : CNRS/UGA, OSUG). Il est basé sur la technologie de l’optique intégrée, provenant du domaine des télécommunications et rendue pertinente pour l’astronomie grâce à 10 ans de R&D ininterrompues. Depuis juin 2015, PIONIER bénéficie d’une camera infrarouge révolutionnaire nommée RAPID, fruit de cinq années de collaboration entre des instituts académiques (IPAG-OSUG, LAM-Pythéas, CEA-LETI, ONERA) et des partenaires industriels (SOFRADIR) [3]. Enfin, la technique innovante de reconstruction d’image [4] a été développée entre 2011 et 2015 par un groupe de doctorants et chercheurs français. Cette méthode, appliquée facilement aux données de PIONIER/RAPID, est la clef qui permet de produire une image riche et détaillée.

Pour l’ensemble des chercheurs impliqués, la magnifique image du disque de poussière entourant l’étoile IRAS08544-4431 couronne plusieurs années d’effort. Elle démontre enfin notre capacité à observer des objets astrophysiques complexes avec une haute résolution. Ce résultat illustre parfaitement la vitalité et l’impact de la recherche française sur l’instrumentation pour l’astronomie, dont la réussite est ici basée sur la collaboration étroite et quotidienne entre chercheurs, personnels techniques et partenaires industriels.”, conclut Jean-Baptiste Le Bouquin, astronome à l’IPAG, responsable scientifique de l’instrument PIONIER et co-auteur.

Source

“Imaging the dust sublimation front of a circumbinary disk”, M. Hillen et al., à paraître sous la forme d’une lettre, au sein de la revue Astronomy & Astrophysics.

L’équipe est composée de M. Hillen (Institut d’Astronomie, Leuven, Belgique), J. Kluska (Université d’Exeter, Exeter, Royaume-Uni), J.-B. Le Bouquin (Univ. Grenoble Alpes / CNRS-INSU, Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble, France), H. Van Winckel (Institut d’Astronomie, Leuven, Belgique), J.-P. Berger (ESO, Garching, Allemagne), D. Kamath (Institut d’Astronomie, Leuven, Belgique) et V. Bujarrabal (Observatoire Astronomique National, Alcalá de Henares, Espagne).

Contact scientifique local

Jean-Baptiste Lebouquin | IPAG | +33 4 76 63 58 93 | jean-baptiste.le-bouquin (at) univ-grenoble-alpes.fr

[1L’appellation de cet objet indique qu’il constitue une source de rayonnement infrarouge qui fut détectée et cataloguée par le satellite IRAS dans les années 1980.

[2En combinant la lumière issue des 4 télescopes auxiliaires du VLTI, le cliché obtenu est d’une netteté voisine de celle qu’obtiendrait un télescope de 150 mètres de diamètre. La résolution atteinte avoisine la milliseconde d’arc (1/1000ème d’1/3600ème de degré), ce qui permettrait de déterminer la taille ainsi que la forme d’une pièce d’un euro située à deux mille kilomètres de distance.

[4Pour en savoir +.