L’exoplanète qui ne tournait pas rond
GJ436 est une étoile qui a déjà fait couler beaucoup d’encre car elle possède une planète nommée GJ436b, surnommée la planète chevelue, qui s’évapore comme une comète. Dans leur dernière étude, les astronomes de l’Observatoire de la Faculté des sciences de l’UNIGE et de PlanetS ont montré qu’en plus de sa chevelure, la planète GJ436b a une orbite très spéciale. : elle est « polaire ». Au lieu de tourner dans le plan équatorial de l’étoile, la planète passe quasiment au-dessus des pôles de celle-ci.
L’inclinaison orbitale de cette planète, grosse comme quatre fois la Terre, est la dernière pièce d’un puzzle qui laisse perplexes les astronomes depuis dix ans : contrairement aux planètes du système solaire dont les orbites forment presque des cercles, celle de GJ436 forme une ellipse, c’est à dire que sa distance à l’étoile n’est pas la même en tout point de son orbite. « Cette planète subit d’énormes forces de marée car elle est incroyablement proche de son étoile, à peine 3% de la distance Terre-Soleil », explique Vincent Bourrier, premier auteur de l’article, chercheur au Département d’astronomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE et membre du projet européen FOUR ACES [2] mené par David Ehrenreich. « L’étoile est une naine rouge dont la durée de vie est très longue, les forces de marée qu’elle induit devraient depuis le temps avoir circularisé l’orbite de la planète, or ce n’est pas le cas ! »
L’orbite contient l’histoire de chaque planète
Les architectures orbitales des systèmes planétaires sont des traces fossiles nous renseignant sur la manière dont ils se sont formés et ont évolué. Une planète perturbée par le passage d’une étoile proche ou l’existence d’autres planètes massives en gardera la trace dans son orbite. « Même si on a déjà vu des orbites planétaires désalignées, on n’en comprend pas forcément bien l’origine, d’autant plus qu’ici, c’est la première fois que l’on mesure l’architecture d’un système autourd’une naine rouge », ajoute Christophe Lovis, chercheur à l’UNIGE et co-auteur de l’étude. L’existence d’une planète perturbatrice inconnue, plus massive et plus lointaine, expliquerait pourquoi GJ436b ne tourne pas rond : « Si c’est vrai, alors nos calculs indiquent que non seulement la planète ne tourne pas en rond, mais qu’elle devrait se trouver sur une orbite fortement inclinée. C’est exactement ce que nous venons de mesurer ! », s’enthousiasme Hervé Beust, chercheur à l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble qui a réalisé les calculs orbitaux.
Ces mêmes calculs prédisent également que la planète n’a pas toujours été aussi proche de son étoile, mais s’en serait rapprochée récemment (à l’échelle cosmique). Ainsi, la « planète qui s’évapore » ne se serait pas toujours évaporée, mais aurait été poussée vers l’étoile par la gravité d’une compagne invisible. Pour Vincent Bourrier, la chasse continue : « Il ne nous reste plus qu’à identifier la planète mystérieuse qui a chamboulé ce système planétaire. »
Source
Orbital misalignment of the Neptune-mass exoplanet GJ 436b with the spin of its cool star, Vincent Bourrier, Christophe Lovis, Hervé Beust, David Ehrenreich, Gregory W. Henry, Nicola Astudillo-Defru, Romain Allart, Xavier Bonfils, Damien Ségransan, Xavier Delfosse, Heather M. Cegla, Aurélien Wyttenbach, Kevin Heng, Baptiste Lavie & Francesco Pepe, Nature, 18 décembre 2018 doi:10.1038/nature24677
Cette actualité est également relayée par :
– l’institut national des sciences de l’Univers du CNRS (INSU)
► Consulter le communiqué de presse de l’Université de Genève
[1] De l’Observatoire des Sciences de l’Univers (CNRS/Université de Grenoble) et de l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble (CNRS/Université de Grenoble).
[2] FOUR ACES, Future of Upper Atmospheric Characterisation of Exoplanets with Spectroscopy, est un projet Consolidator attribué à David Ehrenreich par le Conseil européen pour la recherche (ERC) dans le cadre du programme de la Commission européenne pour la recherche et l’innovation Horizon 2020 (bourse n°724427).