Pesée d’un trou noir super massif situé à 11 milliards d’années-lumière

© ESO/M. Kornmesser, Y. Beletsky

Pour la première fois, des astronomes ont réussi à mesurer directement la masse d’un trou noir lointain, situé à une distance telle que la lumière provenant de son environnement a mis 11 milliards d’années pour nous parvenir. Une équipe de recherche internationale impliquant des scientifiques de l’IPAG a ainsi découvert que le trou noir, baptisé J0920, possède une masse d’environ 300 millions de fois celle de notre soleil. Ces résultats, récemment publiés dans la revue Nature, ont été rendus possible grâce au projet GRAVITY+ [1]

Les galaxies de l’Univers proche, à l’instar de la nôtre, hébergent à priori un trou noir supermassif en leur centre, qui accompagne la structure et l’évolution de celles-ci. Ils sont le moteur des quasars, les sources les plus brillantes de l’Univers, ou encore des jets superluminiques qui sont observés dans certaines galaxies. La question de la co-évolution des galaxies et des trous noirs en leur cœur est centrale dans la compréhension de ces objets, mais les mécanismes à l’œuvre sont mal connus. Le principal diagnostic repose sur la comparaison de la croissance du trou noir central et de la galaxie hôte. Une mesure directe de la masse de trous noirs à différents âges cosmiques est donc primordiale pour suivre et analyser cette co-évolution.

Nous connaissons la masse du trou noir central de notre Galaxie grâce à l’instrument GRAVITY et à la mesure des trajectoires d’étoiles très près de celui-ci. Ce même instrument avait aussi mesuré la masse de quelques trous noirs dans des Quasars relativement proches. Il restait à étendre cette technique à l’Univers lointain pour couvrir une large gamme d’âges cosmiques et en particulier le pic de formation des Galaxies deux milliards d’années après le Big Bang, soit il y a environ 10 milliards d’années. C’est l’objectif principal du projet GRAVITY+, une extension des capacités du VLTI et de GRAVITY, entreprise par une équipe internationale dans laquelle le CNRS Terre & Univers est impliqué [2].

En utilisant GRAVITY+, l’équipe a pu mesurer pour la première fois de manière directe la masse d’un trou noir aux premières phases de l’évolution de l’Univers, seulement 2 milliards d’années après le Big Bang correspondant à l’époque où les galaxies ont commencé à se structurer (le "midi cosmique » ou Cosmic Noon). Ce trou noir qui se trouve au centre de la galaxie SDSS J092034.17+065718.0 a une masse mesurée de 300 millions de fois celle de notre soleil. Cette énorme masse semble pourtant plus de dix fois moins que ce que prévoyait le modèle dominant de coévolution trou noir – galaxie. Ce premier résultat qui en annonce beaucoup d’autres ouvre donc la voie à une révision profonde des mécanismes de formation des galaxies et de tout ce qu’elles contiennent.

Sur cette illustration de l’expansion de l’Univers on a placé en bas à gauche la galaxie hôte de notre trou noir et en bas à droite la signature spectro-astrométrique qui a permis à GRAVITY+ sur le VLTI (à droite) de mesurer la masse de ce trou noir.© Composition originale : T. Shimizu ; Image « expansion de l’Univers » : NASA/WMAP team ; illustration d’un quasar : ESO/ M. Kornmesser ; interféromètre VLTI : ESO/G. Hüdepohl.

Références

Contact scientifique local

Cet article a été publié par le CNRS-INSU.

[1une extension des capacités du Very Large Telescope Interferometer (VLTI) et de son instrument GRAVITY

[2Une équipe internationale menée par Frank Eisenhauer de l’Institut Max Planck de Garching (MPE) en Allemagne avec un très fort soutien du CNRS Terre & Univers. Les laboratoires impliqués :
► Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (LESIA - Obs Paris)
Tutelles : CNRS / Observatoire de Paris - PSL / Sorbonne Univ. / Univ. Paris Cité
► Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (IPAG - OSUG)
Tutelles : CNRS / UGA
► Laboratoire J-L Lagrange (LAGRANGE - OCA)
Tutelles : CNRS / OCA / Univ. Côte d’Azur
► Centre de recherche astrophysique de Lyon (CRAL - OSUL)
Tutelles : CNRS / Université de Lyon Claude Bernard / ENS Lyon